

Environ deux mois après la seconde torture, le prisonnier, étant rétabli, fut de nouveau amené à la salle des tortures ; et là, pour la dernière fois, dut endurer une autre espèce de punition qui lui fut infligée deux fois sans intermission. Les exécuteurs attachèrent une grosse chaîne de fer autour de son corps, qui, croisant sur son estomac se terminait à ses poignets.
Ils le placèrent alors le dos contre une planche épaisse aux deux extrémités de laquelle se trouvait une poulie, par laquelle passait une corde qui reliait les bouts de la chaîne à ses 37
poignets. Alors l'exécuteur, bandant le bout de la corde par le moyen d'un rouleau placé à distance derrière lui pressait et meurtrissait l'estomac à mesure que les bouts de la chaîne étaient bandés plus fort. Ils le torturèrent de cette manière à un tel degré que les poignets aussi bien que les épaules furent disloqués. Les chirurgiens les remirent, toutefois, bientôt après ; mais les barbares, n'étant pas satisfaits, lui firent immédiatement souffrir la torture une seconde fois, qu'il endura avec un égal courage et constance. Il fut alors renvoyé à son cachot, soigné par le chirurgien qui pensait ses blessures et remettait les parties disloquées ; et où il continuait jusqu'à ce que sa sortie du cachot le rappelât à une misérable liberté dans ce monde ou son Auto da Fé l'emportât un monde meilleur.
On peut voir d'après ce rapport quelle terrible agonie la victime a dû souffrir en étant si fréquemment mise à la torture. La plupart des membres furent disloqués ; tellement meurtri et épuisé qu'il était incapable, pendant des semaines de se porter la main à la bouche : et son corps enfla beaucoup à cause de l'inflammation causée par les fréquentes dislocations. Après sa décharge il sentit l'effet de cette cruauté pour le reste de sa vie, étant fréquemment saisi de douleurs aiguës et torturantes, auxquelles il n'avait jamais été sujet auparavant. Les malheureuses femmes qui tombent dans les mains des inquisiteurs n'obtiennent aucune faveur à cause de leur sexe ; mais sont torturées avec autant de sévérité que les autres prisonniers.
Si le prisonnier continue à refuser de se confesser il est renvoyé à son cachot ; mais on se sert d'un stratagème pour tirer de lui ce que la torture ne peut faire. Un compagnon lui était donné pour le servir ; cette personne s'insinuait dans les bonnes grâces du prisonnier, sympathisait avec lui, et prenant avantage des expressions hâtives que lui arrachait la souffrance, s'efforçait de saisir ses secrets. Ce compagnon quelquefois prétendait être un prisonnier comme lui-même pour pousser la malheureuse personne à trahir ses sentiments privés.
Francis Romanus, un natif d'Espagne, était employé par les marchands de Anvers à faire des affaires pour eux à Brème. Il avait été instruit dans la foi romaine, mais allant un jour dans une église protestante, il fut frappé des vérités qu'il avait entendues et en sondant les Écritures et les écrits de quelques théologiens protestants, il s'aperçut de la fausseté des principes qu'il avait naguère professés. Résolu de ne penser qu'à son salut éternel, il résigna son agence aux marchands de Anvers, leur donnant avis de sa conversion ; et alors dans le but de gagner ses parents à se convertir, il retourna sans tarder en Espagne. Mais les marchands de Anvers écrivant aux inquisiteurs, il fut saisi, emprisonné pour un temps et alors condamné aux flammes comme hérétique. Il fut conduit à la place d'exécution dans un vêtement peint de figures du diable et avec une mitre en papier mis sur la tête, par moquerie.
Comme il passait devant une croix de bois, un des prêtres lui ordonna de s'agenouiller devant ; mais il refusa absolument de le faire, disant, "ce n'est pas au chrétien à adorer le bois”
Ayant été placé sur un tas de fagots, le feu l'atteignit bientôt, alors il leva la tête subitement, les prêtres pensant qu'il avait l'intention d'abjurer, commandèrent de le descendre. Trouvant, 38
toutefois, qu'ils s'étaient trompés, et qu'il demeurait constant dans sa foi, il fut placé de nouveau sur la pile, où aussi longtemps qu'il conserva sa voix et sa vie, il ne cessa de répéter ces versets du septième psaume "Eternel, mon Dieu ! je me suis retiré vers toi ; que la malice des méchants prenne fin et affermis l'homme juste. Je célébrerai l'Eternel à cause de sa justice et je psalmodierai au nom de Dieu très-haut”.
A St. Lucar, en Espagne, demeurait un sculpteur nommé Rochus, dont la principale occupation était de faire des images des saints et autres, idoles papistes. Devenant, toutefois, convaincu des erreurs de Rome, il embrassa la foi protestante, cessa de tailler des images, et pour subsister s'occupa seulement à graver des seaux. Mais il avait retenu une image de la Vierge Marie comme enseigne ; un inquisiteur venant à passer par là lui demanda s'il la vendrait. Rochus mentionna un prix ; l'inquisiteur y fit objection et lui offrit la moitié de la somme. Rochus lui répondit, "Je la casserais plutôt en morceaux que d'accepter une telle bagatelle” cassez-la en pièces ! dit l'inquisiteur ; "cassez-la en pièces si vous osez !" Rochus, étant provoqué par cette expression, prit un ciseau et enleva le nez de l'image. Cela suffisait ; l'inquisiteur s'en alla enrager et bientôt après l'envoya arrêter. En vain plaida-t-il que ce qu'il avait défiguré était sa propriété ; et que s'il n'était pas convenable de faire ce qu'il voulait de ce qui était sien, il ne convenait pas à l'inquisiteur de marchander l'image de la manière qu'il avait fait. Tout cela, cependant, ne lui servit de rien ; son sort était décidé ; il fut condamné à être brûlé, et la sentence fut exécutée sans délai.
Un catholique romain espagnol, nommé Juliano, en voyageant en Allemagne, se convertit à la religion protestante et entreprit de faire parvenir dans son pays une grande quantité de bibles cachées dans des tonneaux, et empaquetées comme vin du Rhin. Il réussit à distribuer les livres. Un prétendu protestant, toutefois, qui avait acheté une des bibles, le trahit. Juliano fut arrêté, et des moyens ayant été pris pour trouver les acheteurs des bibles, 800 personnes furent arrêtées. Juliano fut brûlé, vingt furent rôties à la broche, plusieurs emprisonnés pour la vie, quelques-uns furent fouettés publiquement, plusieurs envoyés aux galères, et une très petite quantité furent acquittés.
Une demoiselle, nommée Maria de Coccicao, fut prise par les inquisiteurs, et condamné à la torture. Les tourments qu'elle endurait lui firent avouer certaines accusations portées contre elle. Les cordes furent relâchées et elle fut reconduite à sa cellule où elle demeura jusqu'à ce qu'elle eut recouvert l'usage de ses membres ; elle fut alors ramenée devant le tribunal et reçut ordre de ratifier sa confession. Ce qu'elle refusa absolument de faire leur disant, que ce qu'elle avait dit lui était arraché par les douleurs extrêmes qu'elle endurait. Les inquisiteurs, exaspérés de cette réponse, commandèrent qu'elle fut encore mise à la torture, quand la faiblesse de la nature prévalut encore une fois, et elle répéta sa première confession. Elle fut immédiatement reconduite à sa cellule ; et ramenée une troisième fois devant les inquisiteurs, ils lui ordonnèrent de liguer sa première et sa seconde confession. Elle répondit comme avant, mais ajouta, "J'ai deux fois succombé aux faiblesses de la chair, et peut-être que, soumise à la torture, serai-je assez faible pour le faire encore ; mais soyez certain que, si vous me torturez 39
cent fois, aussitôt que je serai relâchée je renierai la confession qui m'aura été extorquée par la souffrance” Les inquisiteurs ordonnèrent alors qu'elle fût mise à la torture une troisième fois ; et durant cette dernière épreuve elle endura les tourments avec le plus grand courage et ne put être persuadée de répondre à aucune des questions qui lui furent posées. Comme son courage et sa constance croissaient, les inquisiteurs au lieu de la mettre à mort la condamnèrent à être fouettée en parcourant les rues publiques et la bannirent pour dix ans.
Une dame d'une noble famille de Séville, nommée Jeanne Bohorquia fut arrêtée sur information donnée par sa sœur, qui avait été torturée et brûlée pour professer la religion protestante. Mise à la torture elle confessa avoir fréquemment conversée avec sa sœur sur le protestantisme ; et sur cette confession forcée Jeanne fut saisie, et mise à la torture qui fut si sévère qu'elle expira, une semaine après, des blessures et des meurtrissures reçues.
Isaac Orobio, un savant médecin, ayant battu un domestique moresque pour vol, fut accusé par lui de professer le judaïsme et l'inquisiteur arrêta le maitre sur cette accusation. Il fut détenu trois mois en prison avant de recevoir la moindre information de ce dont il aurait à souffrir et alors il fut exposé aux modes de torture suivants : Un habit grossier lui fut mis et tellement bandé que la circulation du sang fut presque arrêtée et le souffle presque sorti de son corps. Après cela les cordes furent soudainement relâchées, et l'air se frayant un chemin subitement dans l'estomac, et le sang se précipitant dans les veines il souffrit la douleur la plus aiguë. Il fut mis sur un banc le dos contre la muraille où des poulies en fer étaient fixées. Des cordes, étaient attachées à plusieurs parties de son corps et de ses membres, furent passées dans les poulies et étant soudainement tirées avec force, tout son corps fut réduit en une masse informe.
Après avoir souffert pendant un temps considérable les douleurs de sa position, le siège fut tout à coup ôté et il resta suspendu contre la muraille. Le bourreau alors attacha des cordes autour de ses poignets et il les tira autour de son corps. Le mettant sur le dos, les pieds appuyés sur la muraille ils tirèrent avec une extrême violence jusqu'à ce que les cordes eussent pénétré jusqu'aux os. Il endura cette dernière torture trois fois, et il demeura soixante-dix jours avant que ses plaies ne fussent guéries. Il fut ensuite banni et dans son exil il écrivit le récit de ses souffrances.
Il est étonnant que la superstition ait, surtout concernant l'inquisition, toujours étouffé le bon sens et la coutume opposé la raison. Un prince, en vérité, Don Carlos, l'aimable fils de Philippe II, roi d'Espagne, et le petit fils du célèbre empereur Charles V. avait l'intention d'abolir cette cour cruelle mais il perdit la vie avant d'avoir pu accomplir ce dessein miséricordieux. Il possédait toutes les bonnes qualités de son grand père sans avoir les mauvaises de son père. Il avait assez de bon sens pour voir les erreurs du papisme et détestait le nom même de l'inquisition. Il blâmait publiquement la cour, ridiculisait la piété affectée des inquisiteurs, et déclarait que s'il parvenait à porter la couronne, il abolirait l'inquisition et en exterminerait les agents. Ceci irrita les inquisiteurs contre lui, et ils déterminèrent en 40
Le Livre des Martyrs de Foxe
conséquence de le détruire. Ils employèrent leurs émissaires pour répandre les insinuations perfides contre le prince, et enfin créèrent un tel esprit de mécontentement parmi le peuple que le roi fut obligé d'éloigner Don Carlos de la cour.
Peu de temps après, le prince ayant montré beaucoup de faveur aux protestants des Pays-Bas, l'inquisition déclara hautement, que comme les personnes en question étaient hérétiques le prince lui-même devait en être un, puisqu'il les recevait. De cette manière ils obtinrent une telle influence sur l'esprit du roi, qu'il sacrifia les sentiments naturels à la puissance de la bigoterie et passa sentence de mort sur son fils unique. Le prince obtint ce qu'on appelle une indulgence c'est-à-dire qu'on lui laissa le choix du mode de sa mort. Il choisit la saignée et le bain chaud. Un jour de bonne heure tout fut préparé comme il le désirait, alors on ouvrit les veines de ses bras et de ses jambes et il s'affaiblit graduellement jusqu'à la mort sans souffrance apparente, devenant un martyr à la malice inquisitoriale étrangement sanctionnée par la bigoterie de ses parents.
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Chapitre VI - De Nouveaux Details des Persecutions des Protestants
Horrible Massacre en France, anno, 1572.
Après une longue série de trouble en France, les papistes, voyant que rien d'efficace ne pourrait être fait contre les protestants à main armée, commencèrent à machiner comment ils pourraient les attraper par la ruse, et cela de deux manières : la première par une prétendue commission envoyée dans les Pays-Bas, que le prince de Navarre et Condé devaient commander. Ceci était seulement pour apprendre quelle puissance et quelle force l'amiral avait à ses ordres, qui ils étaient et quels étaient leurs noms. La seconde était par un mariage entre le prince de Navarre et la sœur du roi ; auquel devaient être invités tous les chefs protestants de France. Par conséquent, ils commencèrent avec la reine de Navarre, mère du prince qui devait épouser la sœur du roi. Attirée par de belles promesses, elle consentit à venir à Paris. Bientôt après elle tomba malade, et mourut dans l'espace de cinq jours non sans exciter le soupçon d'empoisonnement.
Malgré cela le mariage se continua. L'amiral, prince de Navarre et Condé, et plusieurs autres chefs protestants furent induits par les lettres du roi et ses promesses à se rendre à Paris et y furent reçus avec une grande pompe. Le mariage eut lieu le 18 Août, 1572, et fut célébré par le cardinal de Bourbonne. Après cela ils se rendirent au palais de l'évêque pour dîner. Le soir ils furent conduits au palais au centre de la ville pour souper. Quatre jours après, l'amiral, venant de l'assemblée du conseil, fut tiré avec un pistolet chargé de trois balles et blessé dans les deux bras. Des soldats furent appointés à différentes places de la ville pour être prêts à l'ordre du roi ; et après que la consigne fut donnée ils s'élancèrent au massacre des protestants, commençant par l'amiral lui-même, qui, étant blessé, fut jeté par la fenêtre dans la rue, où sa tête étant coupée fut embaumée et envoyée au pape. La populace barbare lui coupa les bras et traîna son corps meurtri trois jours dans les rues de Paris, après quoi ils le menèrent à la place de l'exécution et le pendirent par les talons exposés à la moquerie de la populace.
Le martyre de cet homme vertueux n'eut pas plutôt ; eut lieu que les troupes coururent avec rage pour tuer tous les protestants qu'ils connaissaient ou purent trouver dans l'enceinte de la ville. Ceci continua plusieurs jours ; mais le plus grand carnage eut lieu les trois premiers jours pendant lesquels on dit que 10,000 hommes et femmes, jeunes et vieux, de toutes sortes et conditions furent assassinés. Les corps des morts furent portés en voiture et jetés à la rivière, qui avec d'autres courants d'eau de la ville furent rougis du sang des personnes tuées. Au nombre des hommes éminents qui tombèrent dans ce terrible carnage furent Petrus Ramus, Lambines, Plateanus, Lomenius, Chapesius, et autres.
Les brutalités de cette période ne furent pas limitées par les murailles de Paris, mais se répétèrent dans d'autres villes et autres parties du royaume, surtout à Lyon, Orléans, Toulouse et Rouen çà les cruautés furent, si possible, même plus grandes que dans la capitale Dans l'espace d'un mois 30,000 protestants, dit-on, furent mis à mort. Quand on reçut à Rome la 42
nouvelle du massacre les plus grandes réjouissances éclatèrent. Le pape et les cardinaux allèrent en procession à l'église St. Marc pour remercier Dieu ; une médaille fut frappée en commémoration de cet évènement. On publia un jubilé et les canons tirèrent du château St.
Angelo. A la personne qui apporta la nouvelle, le cardinal de Lorraine donna 1000 écus. De pareilles réjouissances eurent lieu dans toute la France sur la destruction apparente des fidèles.
Les ennemis de la vérité, rassasiés de massacre, commencèrent à triompher partout dans leur fausse opinion qu'ils étaient les seuls maîtres de la conscience des hommes ; et vraiment, il pouvait paraître à la raison humaine que, par la destruction de son peuple, Dieu avait abandonné la terre aux ravages de l'ennemi. Mais il en avait décrété autrement et des milliers qui n'avaient pas plié le genou devant Baal furent appelés à la gloire et à la vertu.
L'année suivante Charles IX. mourut, le tyran qui avait été la cause de ces calamités. Il n'était que dans sa 28ème année et sa mort fut remarquable et terrible. Quand il était couché sur son lit de mort le sang jaillit des différentes parties de son corps. Enfin, après de violentes convulsions, et avoir proféré les plus horribles blasphèmes, il en jaillit une telle quantité de sa bouche, qu'il expira.
Robert Oguier, sa Femme et leurs Fils qui furent brûlés à Lisle.
Samedi, le 6 Mars, 1556, environ vers les dix heures de la nuit le prévôt de la ville avec ses sergents, fut chercher les protestants rassemblés dans les maisons ; mais il n'y avait pas d'assemblée. Ils vinrent donc à la maison de Robert Oguier, qui était une petite église, où le riche et le pauvre étaient familièrement instruits dans les Écritures-Saintes. Étant entrés, ils trouvèrent des livres qu'ils, emportèrent. Mais celui qu'ils cherchaient surtout n'était pas présent, à savoir Baudicon, le fils de Oguier qui était sorti pour aller parler de la Parole de Dieu avec quelques-uns des frères.
A son retour il frappa, quand Martin son plus jeune frère lui dit de s'en aller ; mais Baudicon, pensant qu'il le méprenait pour quelqu'un d'autre, dit : C'est moi, ouvre la porte:"
sur cela, les sergents ouvrirent disant : "Ah, monsieur, nous sommes heureux de vous rencontrer” Il leur répondit : "Je vous remercie mes amis ; vous êtes aussi les bienvenus ici”
Alors le prévôt dit : "Je vous arrête tous au nom de l'empereur:" et sur cela il fit lier et mettre en prison le mari, sa femme et leurs deux fils, laissant leurs deux filles pour garder la maison.
Quelques jours après, les prisonniers furent amenés devant les magistrats qui les examinèrent.
Ils adressèrent la parole à Robert Oguier comme suit : "On nous informe que vous ne venez jamais à la messe et que même vous en dissuadez les autres. On nous apprend de plus que vous entretenez des assemblées dans votre maison où l'on prêche des doctrines erronées et contraire à l'enseignement de votre sainte mère l'église.
Il reconnut la première accusation, et justifia sa conduite en montrant, d'après les Écritures, que de dire la messe était contraire à l'enseignement de Jésus-Christ ; et il défendit les 43
assemblées religieuses dans sa maison en montrant qu'elles étaient ordonnées par notre divin Sauveur lui-même.
Un des magistrats demanda ce qu'ils faisaient quand ils étaient réunis. Baudicon lui répandit, "S'il vous est agréable j'ouvrirai la séance comme en public” Les shérifs lui répondirent, "Eh bien, nous écoutons” Baudicon, levant les yeux au ciel commença ainsi : Quand nous nous assemblons au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, nous nous agenouillons tout d'abord devant Dieu, et dans l'humilité de notre esprit nous faisons confession de nos péchés devant la Majesté Divine. Alors nous prions que la parole de Dieu nous soit convenablement administrée et purement prêchée : nous prions aussi pour notre souverain seigneur l'empereur, et pour ses honorables conseillers, pour que l'empire soit paisiblement gouverné à la gloire de Dieu : même nous ne vous oublions pas vous que nous considérons nos supérieurs, priant Dieu peur vous et pour cette ville afin que vous la mainteniez en toute tranquillité. Je vous ai ainsi raconté exactement ce que nous faisons : considérez maintenant si nous sommes grandement coupables en ce qui concerne nos rassemblements.
Chacun d'eux fit une confession publique de sa foi ; et étant renvoyés en prison ils furent mis à la torture pour les forcer à confesser quels étaient ceux qui fréquentaient leur maison ; mais ils ne voulurent dévoiler personne excepté ceux qui étaient bien connus des juges, ou qui étaient absents dans ce temps-là. Quatre ou cinq jours après il furent rassemblés encore devant leurs juges, et on leur demanda s'ils se soumettraient à la volonté des magistrats. Robert Oguier et Baudicon son fils, dirent, "Oui, nous le ferons” Alors, demandant la même chose à Martin, le plus jeune frère, il répondit qu'il accompagnerait sa mère ; ainsi il fut renvoyé en prison, tandis que le père et le fils furent condamnés à être brûlés vifs. Un des juges dit, après que la sentence fut prononcée : "Aujourd'hui vous irez demeurer avec tous les démons dans le feu de l'enfer” Ayant reçu une sentence de mort, ils retournèrent en prison, joyeux que le Seigneur leur fit l'honneur de les enrôler parmi ses martyrs.
Comme ils étaient sur le point de séparer Baudicon de son père, il dit, "Laissez mon père tranquille et ne le dérangez pas ; il est vieux et a un corps infirme ; ne l'empêchez pas, je vous prie, de recevoir la couronne du martyre” Baudicon fut alors conduit à une chambre à part, et là dépouillé de ses habits et préparé à être sacrifié. Pendant que quelqu'un lui apportait de la poudre pour la mettre sur sa poitrine, un compagnon se tenant auprès dit, "Si tu étais mon frère, je vendrais tout ce que j'ai pour acheter des fagots pour te brûler tu obtiens trop de faveur” Le jeune homme pondit, "Bien, monsieur, le Seigneur te montre plus de miséricorde”
Tandis qu'ils parlaient ainsi à Baudicon, quelques-uns des moines entouraient le vieillard, le pressant de prendre un crucifix dans ses mains, de peur que le peuple ne murmurât contre lui
: ajoutant de plus qu'il pourrait par ce moyen élever son cœur à Dieu.
Alors, ils l'attachèrent entre ses mains ; mais aussitôt que Baudicon descendit et vit ce qu'ils avaient fait, il dit, "Hélas ? Mon père que faites-vous maintenant ? allez-vous devenir idolâtre à votre dernière heure ?" Et alors, arrachant l'idole de ses mains qu'ils y avaient fixée, 44
il la jeta loin disant, "Quelle cause a le peuple d'être offensé contre nous pour ne pas recevoir un Christ de bois ? Nous portons sur nos cœurs la croix de Christ, le Fils de Dieu toujours vivant”.
Une bande de soldats étaient présents à l'exécution. Étant venus à la place, ils montèrent sur l'échafaud ; Baudicon demanda alors aux shérifs de confesser sa foi devant le peuple ; on lui répondit qu'il devait s'adresser à son père confesseur et se confesser à lui. Il fut alors amené au bûcher où il commença à chanter le 16ème psaume. Le moine s'écria, "N'entendez-vous pas, mon maître quelles dangereuses erreurs ces hérétiques chantent pour tromper le peuple
!" Baudicon l'entendant, répondit, "Appelles-tu les psaumes de David des erreurs ? Ce n'est pas étonnant, car vous êtes ainsi accoutumés à blasphémer contre l'Esprit de Dieu” Alors, tournant les yeux vers son père, qui était sur le point d'être enchaîné au bûcher, il dit, "Soyez de bon courage, mon père ; le pire sera bientôt passé” Il répéta souvent ces courtes aspirations
: "Ô Dieu, Père éternel, accepte le sacrifice de nos corps pour l'amour de Jésus ton fils bien aimé”
Un des moines lui cria : "Hérétique tu mens ; il n'est pas ton père ; le diable est ton père”
Pendant cette lutte, il leva les yeux en haut et parlant à son père, il dit : Voici, je vois les cieux ouverts et des millions d'anges prêts à nous recevoir se réjouissant de nous voir rendre témoignage à la vérité devant le monde. Mon père soyons contents et réjouissons-nous car les joies du ciel descendent sur nous. On mit sur le champ le feu à la paille et au bois, qui brûlait dessous, tandis qu'eux ne fuyant pas la souffrance se parlaient l'un à l'autre ; Baudicon répétant souvent ceci aux oreilles de son père. "Ne faiblissez pas, mon père, et ne soyez point effrayé
; encore un petit moment et nous entrerons dans les demeures célestes” A la fin le feu devenant intense sur eux, les derniers mots qu'on leur entendit dire furent ceux-ci : "Jésus-Christ, toi le fils de Dieu dans ta main nous remettons nos esprit” Et ainsi ces deux là s'endormirent tranquillement dans le Seigneur.
Huit jours après, Jane la mère et Martin son fils furent exécutés dans la même ville. On essaya à plusieurs reprises à les faire chanceler dans leur foi ; et la mère pendant quelque temps montra de la faiblesse, mais, par les efforts de Martin elle regagna sa première fermeté.
Peu de temps après, les émissaires de Satan revinrent supposant la trouver dans la disposition où ils l’avaient laissée quand elle dit : "Arrière de moi Satan, car ci-après tu n'as ni part ni portion en moi, je vais, par l'aide de Dieu, rester ferme à ma première confession ; et si je ne puis la signer avec de l'encre, je la scellerai de mon sang” Et depuis lors ce frêle vaisseau devint de plus en plus fort.
Bientôt après Martin et sa mère furent liés et menés à la place de leur martyre. Sa mère, montant l'échafaud, cria à Martin. Monte, monte, mon fils” Comme il parlait au peuple, elle dit : "Parle fort, Martin pour qu’il paraisse à tous que nous mourons pour la vérité” Martin aurait fait une confession de sa foi mais on ne lui permit pas de parler. Sa mère étant attachée au poteau dit pour être entendue des spectateurs. "Nous sommes chrétiens et ce que nous 45
souffrons maintenant n'est pas pour meurtre ou pour vol, mais parce que nous croyons ce que la parole de Dieu nous enseigne ; nous nous réjouissons tous les deux que nous sommes comptés dignes de souffrir pour cette cause. Le feu fut allumé mais sa grande chaleur n'affecta en rien leur zèle ; ils demeurèrent fermes dans leur foi et les mains levées vers le ciel dirent,
"Seigneur Jésus nous remettons nos esprits dans tes mains” Et ainsi ils s'endormirent en paix dans le Seigneur.
Massacre des Huguenots à Vassy, en Champagne.
Le duc de Guise, à son arrivée à Joinville, demanda si ceux de Vassy avaient des sermons de prêchés régulièrement par leur ministre. On lui répondit que oui et que le nombre croissait tous les jours. En entendant cela il fut remplit de colère ; et, samedi le dernier jour de Février, 1562, il partit de Joinville, et logea dans le village de Damartin éloigné d'environ deux milles et demi. Le jour suivant ayant assisté à la messe le matin, il alla à Vassy accompagné de 200
hommes armés. On commanda à ceux qui étaient papistes de se retirer au monastère, sinon qu'ils s'exposeraient à perdre leur vie. Le duc marcha alors vers l'endroit où l'on faisait le sermon, c'était une grange à 100 pas du monastère.
A cette heure-là M. Léonard Mord, le ministre, après la première prière, avait commencé son sermon devant ses auditeurs, qui comprenaient environ 1,200 hommes, femmes et enfants.
Les cavaliers approchèrent les premiers de la grange, tirèrent deux arquebuses sur ceux qui étaient dans les galleries près des fenêtres. Les gens voyant leur danger, essayèrent de fermer la porte, mais ils en furent empêchés par les scélérats s'élançant sur eux en tirant leurs épées et criant, "Punition de Dieu ! tuez, tuez ces Huguenots” Le duc de Guise, avec sa compagnie entra précipitamment, abattant les pauvres gens avec leurs épées, poignards et coutelas, n'épargnant ni âge, ni sexe ; toute l'assemblée fut si étonnée qu'ils ne savaient pas quel chemin prendre, mais courant ça et là se sauvant comme des brebis devant des loups ravissants.
Quelques-uns des meurtriers tirèrent leurs carabines contre ceux qui étaient dans les galleries ; d'autres taillèrent en pièces ceux qui se trouvaient en bas ; les uns eurent leurs têtes fendues en deux, les bras et les mains coupées ; de sorte que plusieurs d'entre eux moururent instantanément sur les lieux. Les murailles et les galleries de l'endroit furent teintes du sang de ceux qui furent massacrés ; et telle était la furie des meurtriers, qu'une partie des gens au-dedans furent obligés de briser les toits des maisons dans l'espérance de se sauver sur le faîte.
Y étant montés, et craignant de tomber encore entre les mains de ces tigres cruels quelques-uns sautèrent sur les murailles de la ville qui étaient très hautes se sauvant blessés dans les bois et parmi les vignes. Le duc donna ordre aux soldats de tuer surtout les jeunes hommes.
Poursuivant ceux qui montèrent sur les toits ils leurs criaient, "Descendez, vils chiens, descendez !" se servant de paroles cruelles à leur égard. La cause pour laquelle quelques femmes échappèrent, d'après le rapport, fut dû à la duchesse, sa femme, qui passant auprès des murailles de la ville et entendant des cris hideux avec le bruit des carabines et des pistolets 46
que l'on déchargeait continuellement, envoya en hâte quelqu'un au duc le priant de cesser sa persécution.
Le ministre cessa d'abord de prêcher jusqu'à ce quelqu'un déchargeât son fusil contre la chaire où il se tenait ; après cela, tombant à, genoux il pria le Seigneur d'avoir pitié de lui et aussi de son troupeau. Ayant prié, il laissa sa robe derrière lui pensant par-là de rester inconnu
; mais comme il approchait de la porte il trébucha sur un corps mort, où il reçut un coup d'épée sur l'épaule droite. Se relevant et voulant aller en avant, il fut immédiatement arrêté et grièvement blessé sur la tête avec une épée ; tombant par terre et se croyant mortellement blessé, il s'écria, "Seigneur, je remets mon esprit en tes mains car tu m'as racheté, toi Dieu de vérité” Pendant qu'il priait ainsi, un de la bande sanguinaire courut sur lui ayant l'intention de le blesser, mais il plût à Dieu que son épée se rompit à la poignée. Deux messieurs le remarquant dirent : "c'est le ministre, menez-le à mon seigneur le duc”
Le conduisant par les bras, ils l'amenèrent levant les portes du monastère, d'où le duc et le cardinal son frère sortant lui demandèrent : "Es-tu le ministre de ce lieu ? Qui t'a rendu assez hardi pour séduire ainsi ce peuple?"
"Monsieur” dit le ministre, "Je ne suis pas un séducteur, je leur ai prêché l'Évangile de Jésus-Christ” Le duc apercevant que cette réponse condamnait ses cruels outrages commença à maudire et à jurer, disant, "Mort de Dieu, est-ce que l'Évangile prêche la sédition ? Prévôt, va et prépare la potence et pend cet individu” A ces mots, le ministre fut livré entre les mains de deux pages qui le maltraitèrent. Les femmes de la ville étant des papistes ignorantes ramassèrent de la boue pour lui jeter à la figure et lui criant. Tuez-le ; tuez-le varlet qui a été la cause de la mort de tant de gens.
Ce massacre continua toute une heure, les trompettes du duc se faisant entendre à plusieurs reprises pendant ce temps. Quand quelques-unes des victimes désiraient d'obtenir leur grâce pour l'amour de Jésus-Christ, les meurtriers leur disaient, en dérision : "Vous vous servez du nom de Christ, mais où est votre Christ maintenant” Il mourut dans ce massacre, dans l'espace de quelques jours, cinquante ou soixante personnes : outre ceux-ci, ii y avait environ 250
hommes et femmes qui furent blessés, dont quelques-unes moururent, une perdant une jambe, une autre un bras, une troisième ses doigts. Le tronc qui était retenu à la porte de l'église par deux crochets en fer contenant $60 fut enlevé et jamais rapporté. Le ministre fut emprisonné et souvent menacé d'être enfermé dans un sac et noyé. Il fut, toutefois, le 8 mai, 1563, mis en liberté à l'instante sollicitation du prince Portien.
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Chapitre VII - Récits des Persécutions dans d’Autres Contrées
Persécutions dans la Bohême et l'Allemagne.
La rigueur exercée par les catholiques romains sur les églises des Bohémiens, les poussa à envoyer deux ministres et quatre laïques à Rome, en l'an 977 pour obtenir du soulagement du pape. Après quelque retard leur requête leur fut accordée, et leurs griefs redressés. Deux choses en particulier leur furent permises - à savoir, d'avoir le service divin dans leur propre langue et de donner la coupe dans le sacrement aux laïques. Les papes suivants, toutefois, exercèrent tout leur pouvoir pour encourager leurs préjugés sur l'esprit des Bohémiens, tandis que ces derniers avec une grande persévérance s'efforcèrent de préserver leur liberté religieuse. Quelques amis, zélés pour l'évangile, s'adressèrent à Charles, roi de Bohême, en 1375, pour convoquer un concile pour s'enquérir des abus qui s'étaient introduits dans l'Église, et pour en faire une réformation complète. Charles envoya demander au pape son avis ; celui-ci lui répondit seulement : "Punissez sévèrement ces hérétiques présomptueux." Le roi banni en conséquence ceux qui avaient fait la demande et imposèrent de nouvelles restrictions sur les libertés religieuses du pays.
Le martyre de John Hues et de Jérome de Prague - deux grands hommes amenés à la vérité par les écrits de notre concitoyen, John Wickliffe, l'étoile du matin de la réformation - créa un grand mouvement en faveur de la cause. Ces deux réformateurs éminents furent condamnés par le Concile de Constance, mais cinquante-huit nobles bohémiens interposèrent en leur faveur. Cependant ils furent brûlés ; et le pape, avec le Concile de Constance, commanda au clergé romain d'excommunier tous ceux qui adoptaient leurs opinions ou s'apitoyaient sur leur sort. De là s'élevèrent de grandes contentions contre les papistes et les Bohémiens réformés, qui produisirent une violente persécution contre ceux-ci.
A Prague elle fut extrêmement violente. Enfin les réformés, poussés au désespoir, s'armèrent, attaquèrent le sénat et jetèrent douze de ses membres avec l'orateur par la fenêtre.
Le pape, entendant cela vint à Florence et excommunia publiquement les Bohémiens réformés, excitant l'empereur d'Allemagne et d'autres rois, princes, ducs, etc., à prendre les armes pour les exterminer, promettant la rémission complète des péchés à toute personne qui tuerait un Bohémien protestant. Le résultat de cela fut une guerre sanglante ; car plusieurs princes papistes entreprirent la destruction, ou au moins l'expulsion du peuple proscrit ; tandis que les Bohémiens, s'armant eux-mêmes, se préparèrent à repousser vigoureusement l'assaut.
L'armée papiste vainquit les troupes protestantes à la bataille de Cuttenburgh ; ils menèrent leurs prisonniers à trois mines profondes près de la ville, et en jetèrent plusieurs centaines dans chacune où ils périrent misérablement.
Un magistrat papiste bigot, nommé Pichel, saisit vingt-quatre protestants, parmi lesquels se trouvait le mari de sa fille. Sur leur profession d'appartenir à la religion réformée, il les condamna à être noyés dans la rivière Abbis. Le jour de l'exécution une grande assemblée s'y 49
rassembla dans laquelle se trouvait la fille de Pichel. Voyant son mari préparé pour la mort, elle se jeta aux pieds de son père, les inonda de larmes et implora le pardon de son mari. Le magistrat insensible lui répondit durement : "N'intercède pas pour lui mon enfant ; c'est un hérétique - un vil hérétique ! " Voici la noble réponse qu'elle lui fit : "Quelques soient ses fautes, ou quoique ses opinions puissent différer des vôtres, il est toujours mon mari," Pichel se fâchat et dit : " Tu es folle ! Ne peux-tu pas, après sa mort, trouver un mari bien plus digne que lui ? "Non, monsieur," répondit-elle," mes affections sont fixés sur lui, et la mort seule peut dissoudre mon vœu du mariage." Pichel continua à se montrer inflexible et commanda que les prisonniers fussent liés pieds et mains derrière le dos et jetés dans la rivière. Ceci étant accompli, la jeune femme sauta au milieu des flots et embrassant le corps de son mari, ils enfoncèrent ensemble.
L'empereur Ferdinand, qui haïssait amèrement les protestants institua une haute cour, sur le plan de l'inquisition, avec cette différence, que la nouvelle cour devait se transporter de lieu en lieu, suivie d'un corps de troupe. La plus grande partie de cette cour consistait de Jésuites dont les décisions n'avaient point d'appel. Ce tribunal sanguinaire, suivi de sa garde cruelle fit le tour de la Bohême. Le premier qui en fut la victime était un vieux ministre, qu'ils tuèrent quand il était couché et malade au lit. Le jour suivant ils en volèrent et tuèrent un autre, et bientôt après ils tirèrent sur un troisième pendant qu'il prêchait. Ils attachèrent un ministre et sa femme dos à dos et les brûlèrent.
Un autre ministre fut pendu à une traverse et ayant fait du feu au-dessous ils le firent griller. Ils hachèrent un gentilhomme en petit morceaux ; ils remplirent la bouche d'un jeune homme de poudre à canon et lui firent sauter la tête. Leur plus grande animosité fut dirigée contre le clergé. Ils saisirent un pieux ministre protestant qu'ils torturèrent tous les jours pendant un mois. Ils le raillèrent et s'en moquèrent ; le traquèrent comme une bête fauve jusqu'à ce qu'il fut sur le point d'expirer de fatigue ; ils le firent passer par les baguettes chacun le frappant avec leurs poings ou avec des cordes ; ils le fouettèrent avec des fils de fer ; ils l'attachèrent par les talons jusqu'à ce que le sang lui partit du nez et de la bouche ; ils le pendirent par les bras jusqu'à ce qu'ils fussent disloqués, et les lui remirent de nouveau.
Des papiers en feu, trempés dans l'huile furent placés sous ses pieds ; sa chair fut déchirée avec des tenailles chauffées à blanc ; il fut torturé et mutilé cruellement. Du plomb fondu répandu sur ses pieds ; et, enfin, une corde nouée fut tordue autour de son front de manière à en faire sortir les yeux. Au sein de toutes ces cruautés, on prit un soin particulier que ses blessures ne se gangrènent pas et que ses souffrances n'en fussent pas raccourcies jusqu'au dernier jour où en lui faisant sortir les yeux il expira. Enfin, l'hiver étant bien avancé la haute cour des juges avec leur bande militaire de brigands retournèrent à Prague ; mais sur leur chemin rencontrant un pasteur protestant, ils le mirent à nu et le couvrirent tour à tour de glace et de charbons brûlants. La malheureuse victime expira dans les tourments au grand plaisir apparent de ses persécuteurs inhumains.
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Vie, Souffrance et Martyre de Jean Huss.
Jean Huss était un Bohémien, et naquit environ l'an 1380. Ses parents le firent instruire à une école privée ; il fut alors renvoyé à l'Université de Prague, où il se distingua bientôt. Le réformateur anglais, Wickliffe, avait tellement allumé le flambeau de la réformation, qu'il commença à illuminer même la Bohème. Ses doctrines furent reçues avec avidité par une grande quantité de personnes ; surtout par Jean Huss et ses amis et Jérôme de Prague martyr comme lui. Les réformés croissant chaque jour, l'archevêque de Prague promulgua un décret pour supprimer les écrits de Wickliffe. Ceci, toutefois, eut pour effet de stimuler davantage le zèle des convertis et enfin presque toute l'université s'unit pour les avancer. Dans cette institution l'influence de Huss était très grande, non seulement à cause de son savoir, son éloquence et sa vie exemplaire, mais aussi à cause des privilèges précieux qu'il avait obtenus du roi en faveur des Bohémiens.
Fortement attaché aux doctrines de Wickliffe, Huss s'opposa fortement au décret de l'archevêque, qui, cependant obtint une bulle du pape pour empêcher la publication des écrits de Wickliffe dans sa province. Le Dr. Huss protesta contre ces procédés avec d'autres membres de l'université et en appela du jugement de l'archevêque. Le pape n'eut pas plutôt appris ceci, qu'il accorda une commission au cardinal Colunno pour citer Jean Hues à paraître à la cour de Rome. Le Dr. Huss désira être excusé de cette tâche, et il était tellement favorisé en Bohême que le roi Winceslaus, la reine, la noblesse et l'université, désirèrent que le pape se dispensât de le faire paraître ; comme aussi il ne voulait pas que le royaume de Bohème fut placé sous l'accusation d'hérésie, mais qu'il permit à tous de prêcher l'Évangile avec liberté, suivant leurs honnêtes convictions.
Trois procureurs parurent pour Jean Huss devant le cardinal Colonno. Ils plaidèrent pour excuser son absence, et dirent qu'ils étaient prêts à répondre à sa place. Mais le cardinal le déclara contumax et l'excommunia. Alors les procureurs en appelèrent au pape qui appointa quatre cardinaux pour examiner le procès ; les commissaires confirmèrent la sentence et étendirent l'excommunication aux amis et aux adhérents de Huss. De cette injuste sentence Huss en appela à un futur concile, mais sans succès ; et étant banni de son église à Prague, il se retira à Hussenitz, sa place natale où il continua à promulguer la vérité dans ses écrits aussi bien que dans son ministère public.
Il fut alors sommé de comparaître devant le concile de Constance ; et pour dissiper toute crainte de danger, l'empereur lui envoya un passeport, lui promettant sûreté. Il dit à la personne qui le délivra qu'il n'y avait rien qu'il désirât davantage que de se justifier de l'imputation d'hérésie ; et qu'il se sentait heureux d'avoir l'occasion de le faire devant le concile.
A la fin de novembre il partit pour Constance, accompagné de deux nobles Bohémiens, éminents parmi ses disciples, qui le suivirent par respect et par affection. Il fit mettre des placards sur les portes des églises à Prague, et il déclara dans les villes où il passait, qu'il allait 51
se justifier à Constance et il invitait ses adversaires à être présents. Sur le chemin il reçut toutes les marques d'affection et de respect de gens de toute espèce.
Arrivant à Constance, il se logea dans une partie éloignée de la ville. Bientôt après, il vint à lui un certain Etienne Paletz, qui était engagé par le clergé de Prague à conduire la prosécution. Paletz fut après joint à Michel de Cassis de la part de la cour de Rome. Ces deux préparèrent des articles contre lui qu'ils présentèrent au pape et aux prélats du concile. Malgré la promesse de l'empereur de lui donner un sauf conduit d'aller et retour de Constance, suivant la maxime du concile que "L'on ne doit pas tenir ses promesses aux hérétiques," quand il fut su qu'il était dans la ville, il fut immédiatement arrêté et fait prisonnier dans l'une des chambres du palais. Sur cela, un des amis de Huss fit mention du sauf-conduit ; mais le pape répondit qu'il n'en avait pas accordé un, et n'était pas lié par celui de l'empereur.
La noblesse de Bohême et de Pologne fit valoir toute leur influence en faveur de Huss ; et prévalurent assez pour empêcher qu'il fut condamné sans être entendu, chose que les commissaires semblaient avoir résolu. Avant le procès, un moine franciscain fut employé pour le surprendre dans ses paroles et paraître ensuite contre lui. Cet homme vint à lui en idiot et avec un semblant de sincérité et de zèle, demandant d'être instruit de ses doctrines. Mais Huss découvrit bientôt l'imposture, lui dit que quoique sa manière avait l'apparence de la simplicité, ses questions dévoilaient une profondeur et un but hors de la portée d'un idiot. Il trouva ci-après que ce prétendu fou était Didace, un des plus profonds logiciens de la Lombardie.
Enfin, Huss fut amené devant le concile, et les articles contre lui furent lus ; il y en avait au-delà de quarante, et extraits surtout de ses écrits. L'extrait suivant, formant le huitième article d'accusation, fournira un exemple de la preuve sur laquelle cet infâme procès fût conduit. "Un méchant pape n'est pas le successeur de Pierre, mais de Judas." "Réponse. J'ai écrit ceci dans mon traité ; Si le pape est humble et doux, méprisant l'honneur et le lucre du monde ; s'il est berger, nourrissant le troupeau de Dieu avec la parole et un vertueux exemple, et travaille diligemment et soigneusement pour l'église, alors il est sans doute le vrai vicaire de Christ. Mais s'il marche contrairement à ces vertus, d'autant qu'il n'y a pas de rapport entre Christ et Belial, et Christ lui-même, dit, ¨Celui qui n'est pas avec moi est contre moi,¨
comment est-il alors le vrai vicaire de Christ ou de Pierre, et non pas plutôt le vicaire de l'antéchrist ? Christ appela Pierre lui-même, Satan, quand il l'opposa seulement pour un mot.
Alors, pourquoi, un autre étant plus opposé à Christ, ne serait-il pas appelé Satan, et par conséquent antéchrist, ou au moins le principal ministre ou vicaire de l'antéchrist. Des témoignages sans nombre à cet effet se trouvent dans St. Augustin, St. Jérôme, Cyprien, Chrysostôme, Bernard, Grégoire, Remigius, Ambroise, et tous les saints pères de l'église chrétienne,"
Après son examen une résolution fut passée par le concile, de le brûler comme hérétique à moins qu'il ne se rétractât. Il fut alors envoyé à une prison malpropre, où le jour il était si chargé de chaînes qu'il pouvait à peine se mouvoir ; et chaque nuit il était attaché par les mains 52
à un anneau contre la muraille. Il demeura quelques jours dans cette situation, pendant que plusieurs nobles de Bohême intercédaient en sa faveur. Ils préparèrent une pétition pour son élargissement qui fut présentée au concile par plusieurs des hommes les plus illustres du pays
: mais on n'y fit pas attention.
Peu de temps après, quatre évêques et deux seigneurs furent envoyés par l'empereur à la prison, pour engager Huss à se rétracter. Mais il prit Dieu en témoin, avec des larmes aux yeux, qu'il n'avait pas conscience d'avoir prêché ou écrit quelque chose contre la vérité ou la croyance de la vraie église. Les députés alors lui représentèrent la grande sagesse et l'autorité du concile : à quoi Huss répondit, "Qu'ils m'envoient la moindre personne du concile qui pourra me convaincre par argument de la parole de Dieu, et je lui soumettrai mon jugement."
Cette digne réponse n'eut pas d'effet, et les députés, trouvant qu'ils ne pouvaient faire aucune impression sur lui, partirent, étonnés de sa résolution.
Le 4 juillet, il fut, pour la dernière fois, amené devant le concile. Après un examen on lui demanda d'abjurer, ce qu'il refusa de faire sans aucune hésitation. L'évêque Lodi prêcha alors un sermon de persécuteurs violents, choisissant pour texte, "Que ce corps de péché soit détruit." Le sermon fut le prologue ordinaire d'un cruel martyre ; son sort était maintenant scellé, sa défense rejetée et le jugement prononcé. Le concile le censura d'être obstiné et incorrigible et commanda qu'il fut dégradé de la prêtrise, ses livres brûlés publiquement, et lui-même livré au pouvoir séculier. Il reçut la sentence sans la moindre émotion : et à la fin de sa lecture il s'agenouilla et avec toute la magnanimité d'un martyr primitif il s'écria : "Que ta miséricorde infinie, O mon Dieu ! pardonne cette injustice de mes ennemis. Tu connais la fausseté de ces accusations : combien chargé de crimes j'ai été représenté ; combien j'ai été opprimé par des témoins sans caractère et une fausse condamnation : cependant, O mon Dieu
! que ta grande miséricorde qu'aucune langue ne peut exprimer, prévale auprès de toi pour que tu ne venges pas mes torts."
Ces excellentes paroles furent reçues comme autant d'expressions de trahison, et ne tendirent qu'à exciter ses adversaires. En conséquence, les évêques appointés par le concile le dépouillèrent de ses habits sacerdotaux, le dégradèrent et mirent une mitre de papier sur sa tête sur lequel étaient peints des diables avec cette inscription, - "Un chef des Hérétiques."
Cette moquerie fut reçue par le martyr héroïque avec un air d'insouciance, et paraissait lui donner de la dignité au lieu de la disgrâce. Une sérénité paraissait sur ses traits, qui indiquait que son âme avait passé par plusieurs étapes d'un voyage fatiguant pour se rendre au royaume du bonheur éternel.
La cérémonie de dégradation passé, les évêques le livrèrent à l'empereur, qui le mit sous les soins du duc de Bavière. Ses livres furent consumés aux portes de l'église ; et le 6 Juillet, il fut conduit aux faubourg de Constance pour être brûlé vif. Quand il atteignit l'endroit il se mit à genoux, chanta plusieurs portions des psaumes, éleva les yeux fixement vers le ciel, et dit : "Dans tes mains, Ô Seigneur ! je remets mon esprit ; tu m'as racheté, Ô Dieu, tout bon et 53
Le Livre des Martyrs de Foxe
tout fidèle !" Aussitôt que la chaîne fut mise autour de lui au bûcher, il dit, avec un visage souriant, "Jésus-Christ mon Seigneur a été attaché avec une chaîne plus pesante que celle-ci pour moi ; pourquoi alors aurai-je honte de cette vieille toute rouillée ?" Quand les fagots furent amoncelés autour de lui, le duc de Bavière fut assez officieux pour lui demander d'abjurer. Sa noble réponse fut, "Non, je n'ai jamais prêché aucune doctrine d'une mauvaise tendance ; et ce que j'ai enseigné de mes lèvres je scelle de mon sang." Il dit alors à l'exécuteur,
"Vous allez maintenant brûler une oie (le nom de Huss signifiant une oie dans la langue Bohémienne), mais dans un siècle vous aurez un cygne que vous ne pourrez ni rôtir ni bouillir."
Si cela a été dit en prophétie, il a voulu dire Martin Luther, qui brilla cent ans après, et qui avait un cygne pour ses armes - soit que ce fut suggéré par cette circonstance ou à cause de l'extraction ou armoiries de famille, cela n'est pas connu. Aussitôt que les fagots furent allumés, le martyr héroïque chanta une hymne d'une voix si forte et si gaie qu'il fut entendu au milieu du craquement du combustible et le bruit de la multitude. Enfin sa voix fut interrompue par les flammes qui mirent bientôt un terme à sa vie mortelle et porta son esprit immortel que nul feu sur terre ne pouvait réduire ou toucher, au séjour de la gloire éternelle.
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Chapitre VIII - La Vie, Les Souffrances et Le Martyre de Jérôme Ce héros de la cause de la vérité naquit à Prague et fut instruit à son université, où il se distingua bientôt par son savoir et son éloquence. Ayant complété ses études, il parcourut une grande partie de l'Europe, et visita plusieurs centres de savoir, particulièrement les universités de Paris, Heidelburg, Cologne and Oxford. A cette dernière il trouva les œuvres de Wickliffe, et étant une personne de grande application, il en traduisit plusieurs dans sa propre langue.
Le 4 avril, 1415, Jérôme de Prague vint à Constance. C'était environ trois mois avant la mort de Huss. Il entra la ville privément et consultant quelques-uns des chefs de son parti, fut convaincu qu'il ne pourrait rendre aucun service à son ami. S'apercevant que son arrivée à Constance était connue et que le concile avait l'intention de le saisir, il alla à Iberling, ville impériale à peu de distance. Pendant qu'il y était, il écrivit à l'empereur et lui annonça qu'il était prêt à paraître devant le concile, s'il voulait lui donner un sauf-conduit ; ceci, toutefois, lui fut refusé. Il s'adressa au concile, mais reçut une réponse aussi peu favorable. Après cela, il fit placer des papiers dans tous les lieux publics de Constance, particulièrement à la porte du palais du cardinal. Il y professait sa disposition de paraître à Constance pour la défense de son caractère et de sa doctrine. Il déclara de plus, que si l'on prouvait qu'il était en quelque erreur, il la rétracterait, désirant seulement que le concile engagea sa parole pour sa sécurité.
Ne recevant pas de réponse, il partit pour s'en retourner en Bohême, prenant un certificat signé par plusieurs nobles bohémiens alors à Constance, affirmant qu'il s'était servi de tous les moyens convenables de se procurer une audience. Malgré cela il fut arrêté sur sa route par un officier qui espérait ainsi de recevoir des éloges du concile. Le concile demanda qu'on l'envoya immédiatement à Constance. En conséquence on l'y conduisit dans les chaînes et en chemin il fut rencontré par l'électeur palatin qui fit mettre une longue chaîne autour de Jérôme, avec laquelle il fut même au cloître comme une bête sauvage, où après des insultes et examens, il fut conduit à une tour et attaché à un billot avec les jambes dans des ceps.
De la sorte il resta onze jours et nuits, jusqu'à ce qu'enfin tombant dangereusement malade, eux, afin de satisfaire leur malice davantage le sortirent de cette pénible position. Il demeura enfermé jusqu'au martyre de son ami Huss ; après quoi on le fit sortir et menacer de tourments et de la mort s'il demeurait obstiné. Dans un moment de faiblesse il oublia sa fermeté et sa résolution, abjura ses doctrines, et confessa que Huss méritait son sort et que lui et Wickliffe étaient hérétiques. En conséquence ses chaînes furent ôtées et on cessa de le maltraiter. Il fut, toutefois, gardé en prison, avec des promesses quotidiennes de libération. Mais ses ennemis soupçonnant sa sincérité, une autre forme de rétraction fut préparée et lui fut présentée. Lui, cependant, refusa de répondre à celle-ci, excepté en public, et il fut amené devant le concile, quand, à l'étonnement de ses auditeurs et à la gloire de la vérité, il renonça à sa rétraction et demanda permission de plaider sa propre cause ; ce qui lui fut refusé.
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On procéda avec les accusations qui furent réduites à cinq articles : Qu'il était un railleur de la dignité papale, un adversaire du pape lui-même, un ennemi des cardinaux, un persécuteur des évêques et un opposant du christianisme ! A ces accusations Jérôme répondit avec une force étonnante d'éloquence et une puissante argumentation : "Maintenant vers qui me tournerai-je ? Vers mes accusateurs ? Mes accusateurs sont aussi sourds que des vipères. Vers vous, mes juges ? Vous êtes tous prévenus par les artifices de mes accusateurs” Après ce discours il fut reconduit à la prison. Le troisième jour son procès fut appelé et des témoins examinés pour supporter l'accusation. Le prisonnier était prêt pour sa défense ce quii paraît presque incroyable, quand on considère qu'il avait été presque une année enfermé dans un cachot dégoûtant privé de lumière et presque mourant de faim. Mais son esprit s'éleva au-dessus de ces désavantages.
Les plus bigots de l'assemblée ne voulaient pas qu'il fut entendu, craignant les effets de son éloquence en faveur de la vérité. Elle était de nature à exciter l'envie des plus grands hommes de son temps. "Jérôme” dit Gerson, le chancelier de Paris, à son accusation, "quand tu étais à Paris tu étais, par le moyen de ton éloquence, un ange, et tu troublais toute l'université” Enfin il fut décidé par la majorité qu'il aurait la liberté de parler en sa défense qu'il commença sur un ton si élevé et qu'il continua avec un tel torrent d'élocution que le cœur le plus endurci fut touché et l'esprit de superstition sembla admettre un rayon de lumière et de conviction. Il commença par montrer par l'histoire le nombre de grands hommes vertueux qui avaient, dans leur temps, été condamnés et punis comme de mauvais sujets, mais que les générations suivantes avaient reconnus avoir mérités l'honneur et la récompense. Il mit devant l'assemblée tout l'exposé de sa vie et de sa conduite. Il remarqua que les plus grands et les plus saints hommes avaient été reconnus comme ayant différé sur des points de spéculation avec l'intention de distinguer la vérité et non de la tenir cachée. Il procéda à défendre les doctrines de Wickliffe, et il termina par observer qu'il était loin de vouloir avancer quelque chose contre l'église de Dieu ; qu'il ne se plaignait que des abus du clergé ; et qu'il était certainement injuste que le patrimoine de l'église, qui était à l'origine gardé par la charité et la bienfaisance fut prostitué à "la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux et à l'orgueil de la vie” que l'apôtre déclare "n'être pas du Père, mais du monde”.
Le procès étant fini, Jérôme reçut la même sentence qu'on avait passée sur son compatriote fait martyr et fut, d'après le style de duplicité papiste, remis au pouvoir séculier ; mais étant laïc il n'eut pas à passer par la cérémonie de la dégradation. Ses persécuteurs, toutefois, préparèrent pour lui une casquette de papier, peinte de diables rouges qui étant sur sa tête, il dit, "Notre Seigneur Jésus-Christ, quand il a souffert la mort pour moi, misérable pécheur, porta une couronne d'épine sur sa tête, et moi, pour amour pour lui, je vais porter cet ornement de dérision et de blasphème” Pendant deux jours ils remirent l'exécution dans l'espérance qu'il se rétracterait ; cependant le cardinal de Florence fit tout en son pouvoir pour le gagner, mais tous ses efforts furent inutiles ; Jérôme était décidé de celer sa foi de son sang.
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Sur le chemin au lieu de l'exécution il chanta plusieurs cantiques ; et en arrivant sur la place, la même où Huss avait souffert, il s'agenouilla et pria avec ferveur. Il embrassa le bûcher avec gaieté et courage ; et quand l'exécuteur alla derrière lui pour mettre le feu aux fagots, il dit, "Viens ici et allume-le devant mes yeux ; car si j'en avais eu peur, je ne serais pas venu ici, ayant eu tant d'occasions de m'échapper” Quand les flammes commencèrent à l'envelopper, il chanta un autre hymne ; et les derniers mots qu'on lui entendit dire étaient "
C'est à toi, O Christ, que dans les flammes j'offre cette âme !" Il était d'une belle et virile taille et possédait une forte et saine constitution, qui servirent à rendre sa mort extrêmement pénible, car on remarqua qu'il vivait un temps inaccoutumé dans les flammes. Lui, toutefois, chanta jusqu'à ce que son âme prit son essor, comme dans un chariot de feu, de la terre au ciel.
Persécution dans les Pays-Bas.
La lumière de l'Évangile se répandant sur le continent et en chassant la nuit obscure de l'ignorance, accrut l'alarme du pape qui poussa l'empereur à persécuter les protestants ; plusieurs mille périrent comme martyrs, parmi lesquels se trouvaient les suivants : Une veuve protestante et pieuse, appelée Wendelinuta, étant arrêtée, plusieurs moines essayèrent de la persuader de se rétracter. Leurs essais, toutefois, n'aboutissant à rien, une dame catholique de sa connaissance désira être admise dans son cachot, promettant de travailler à induire la prisonnière à abjurer sa religion. En étant admise, elle fit tout en son pouvoir pour accomplir sa tâche : mais trouvant ses efforts inutiles, elle dit," chère Wendelinuta, si vous ne voulez pas embrasser notre foi, au moins gardez ces choses secrètes, et essayez de prolonger votre vie”
A ceci la veuve répondit, "madame, vous ne savez ce que vous dites ; car avec le cœur on croit à la justice, mais avec la langue confession est faite à salut” Gardant sa foi, ses effets furent confisqués et elle fut condamnée à être brûlée. Au lieu de l'exécution un moine lui présenta une croix ; elle répondit, "Je n'adore aucun dieu de bois, mais le Dieu qui est dans le ciel” Elle fut alors exécutée en étant étranglée avant que les fagots fussent allumés.
A Colen, deux ministres protestants furent brûlés ; un commerçant d'Anvers nommé Nicholas, fut attaché dans un sac, jeté à la rivière et noyé ; et Pistorius, un grand savant, fut brûlé sur le marché d'une ville hollandaise.
On commanda à un ministre de l'église réformée d'être présent à l'exécution de seize protestants par décapitation. Ce monsieur s'acquitta de ce triste office avec un grand décorum, les exhorta à la repentance, et leur donna des consolations s'appuyant sur les miséricordes de leur Rédempteur. Aussitôt qu'ils furent décapités le magistrat cria à l'exécuteur, "Il vous faut décapiter le ministre ; il ne peut jamais mieux mourir qu'avec de si excellents préceptes dans sa bouche et d'exemples aussi louables devant lui” Il fut, en conséquence, décapité quoique plusieurs romains catholiques désapprouvèrent cet acte de barbarie.
George Scherter, un ministre à Saltzburg, fut envoyé en prison pour avoir instruit son troupeau dans la vérité de l'Évangile. Pendant qu'il était en prison il écrivit une confession de sa foi : bientôt après il fut décapité, et ensuite brûlé en cendres. Percival, un homme instruit 57
de Louviana, fut assassiné en prison : et Justtu Insparg fut décapité pour avoir eu en sa possession les sermons de Luther. Giles Tolleman, un coutelier de Bruxelles, fut arrêté comme protestant, et les moines essayèrent à maintes reprises de l'induire à se rétracter. Une fois il eut une bonne chance de s'échapper de prison, mais il n'en profita pas. Quand on lui eut demanda la raison, il répondit, "Je ne voudrais pas faire un tel tort à mes gardiens ; puisqu'ils devraient répondre de mon absence” Quand il fut condamné à être brûlé, il remercia Dieu avec ferveur de lui avoir permis, par le martyre de glorifier son nom. Remarquant à la place de l'exécution une grande quantité de fagots, il désira que la plus grande partie fût donné aux pauvres, disant, "Une petite quantité suffira à me consumer” L'exécuteur offrit de l'étrangler avant que le feu ne fût allumé, niais il ne voulut point y consentir, lui disant qu'il défiait les flammes ; et, à la vérité, il mourut avec un tel calme qu'il semblait à peine en souffrir.
En Flandre, environ l'an 1543 et 1544 la persécution devint très violente et furieuse. Bon nombre furent condamnés à un emprisonnement perpétuel ; mais la plupart furent mis à mort étant pendus, noyés, brûlés, par la torture ou brûlés vifs. Jean de Boscane fut arrêté dans la cité de Anvers. A son procès il déclara courageusement qu'il appartenait à la religion réformée et sur cela il fut immédiatement condamné. Le magistrat, toutefois, avait peur d'exécuter la sentence publiquement, parce qu'il était universellement respecté pour sa vie inoffensive et sa piété exemplaire, On donna ordre, en conséquence, qu'il fût noyé dans la prison. L'exécuteur, le jeta dans une grande cuve, mais Boscane se débattant et levant la tête au-dessus de l'eau, l'exécuteur le poignarda à différentes places jusqu'à ce qu'il mourût. Jean de Buisons fut, environ en même temps, arrêté secrètement. Dans cette ville le nombre de protestants étant grand, et le prisonnier bien respecté, les magistrats, craignant une insurrection, le firent décapiter en prison.
En 1568 on arrêta à Anvers Scoblant, Hues et Coomans. Scoblant fut le premier à subir son procès, persistant dans sa foi il reçut une sentence de mort. A son retour à la prison, il demanda au geôlier de ne permettre à aucun moine de l'approcher ; disant, "Ils ne peuvent me faire aucun bien, mais peuvent me déranger beaucoup. J'espère que mon salut est déjà scellé au ciel et que le sang de Christ, auquel je me confie fermement, m'a lavé de mes iniquités. Je vais maintenant ôter ce manteau d'argile pour être revêtu d'une robe de gloire éternelle.
J'espère que je serai le dernier martyr de la tyrannie papale, et que le sang déjà versé sera suffisant pour étancher sa soif de cruauté ; que l'église de Christ aura du repos ici, comme ses serviteurs en auront ci-après”.. Le jour de l'exécution il prit congé de ses compagnons prisonniers d'une manière touchante. Au bûcher il répéta avec ferveur la prière dominicale et chanta le 40ème psaume ; alors recommandant son âme à Dieu il termina bientôt son existence terrestre dans les flammes.
Peu de temps après, Hues mourut en prison ; et à cette occasion Cooman donna expression à ses sentiments devant ses amis ainsi : "Je suis maintenant privé de mes amis et de mes compagnons ; Scoblant est mort martyr, Hues est mort par le doigt de Dieu ; cependant je ne suis point seul, j'ai avec moi le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ; il est ma consolation et 58
Le Livre des Martyrs de Foxe
il sera ma récompense” Quand il passa son procès Hues confessa hardiment qu'il était de la religion réformée et il répondit avec une fermeté courageuse à toutes les accusations portées contre lui. "Mais,” dit le juge, mourrez-vous pour la foi que vous professez ?"
"Je ne suis pas seulement disposé à mourir,” répondit Coomans, "mais aussi à souffrir ce que la cruauté la plus raffinée peut inventer : après quoi mon âme recevra sa confirmation de Dieu lui-même dans l'éternelle gloire. Étant condamné, il alla joyeusement au lieu de l'exécution et mourut avec une résignation et un courage chrétiens.
L’Assassinassions du Prince d'Orange.
Belthazar Gerad, un bigot catholique romain, pensant avancer sa propre fortune et la cause papale, résolut d'assassiner le prince d'Orange. S'étant pourvu d'arme à feu, il guetta le prince comme il passait dans le grand corridor de son palais à dîner et lui demanda un passeport. La princesse d'Orange, observant dans sa voix et sa manière quelque chose de confus et de singulier, demanda qui il était. Le prince lui dit qu'il désirait avoir un passeport qu'il lui donnerait sur le fait. Après dîner, au retour du prince et de la princesse dans le corridor, l'assassin, caché derrière l'un des piliers, tira sur le prince ; la balle entra par le côté gauche et passa à travers le droit, blessa l'estomac et les parties vitales. Le prince n'eut que le temps de dire, Mon Dieu ayez pitié de mon âme et de ce pauvre peuple !” et il expira immédiatement.
La mort de ce prince vertueux créa un chagrin universel dans toutes les Provinces Unies.
L'assassin fut immédiatement arrêté et condamné à mort : tel était, toutefois, son enthousiasme et son aveuglement qu'il dit froidement ; "Si j'étais libre je ferais la chose de nouveau” Dans les différentes parties de Flandre des quantités tombèrent victimes de la jalousie papiste et de sa cruauté. Dans la ville de Valence, en particulier, cinquante-sept des principaux habitants furent égorgés dans un seul jour, pour avoir refusé d'embrasser les superstitions romaines, outre ceux-là un grand nombre souffrirent dans les prisons jusqu'à ce qu'ils périssent.
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Chapitre IX - La Persécution des Protestants dans Différents Pays Vers le 14ème siècle, plusieurs Vaudois de Pragela et de Dauphiné émigrèrent en Calabre, où ayant obtenu la permission de s'établir, ils changèrent, par une culture soignée, plusieurs endroits sauvages et stériles en terrains fertiles et magnifiques. Les nobles de Calabre en furent bien satisfaits les trouvant honnêtes, paisibles et industrieux. Les choses allèrent tranquillement pendant quelques années pendant lesquelles les Vaudois se formèrent en deux villes incorporées, annexant plusieurs villages à leur juridiction. Enfin, ils envoyèrent à Genève chercher deux ministres, un pour desservir chaque ville. On en porta la nouvelle au pape Pie quatre qui forma le dessein de les exterminer de la Calabre. Le cardinal Alexandrino, un homme d'un caractère violent et un bigot zélé, fut en conséquence envoyé en Calabre avec deux moines, qui devaient agir comme inquisiteurs. Ces personnes vinrent à St. Xist, l'une des villes bâties par les Vaudois, où ayant assemblé, le peuple leur dirent qu'il ne leur seraient fait aucun mal s'ils voulaient accepter des prédicateurs appointés par le pape ; mais que sils refusaient ils seraient privés de leurs propriétés et de leurs vies ; et que pour les éprouver, la messe serait dite publiquement cette après-midi à laquelle ils devraient assister.
Les habitants de St. Xist, au lieu d'obéir, s'enfuirent dans les bois, et désappointèrent ainsi le cardinal. II se rendit alors à La Garde, l'autre ville appartenant aux Vaudois où pour éviter un pareil dilemme, il ordonna que les portes fussent fermées et toutes les avenues gardées. On leur fit alors les mêmes propositions, mais avec l'artifice suivant : le cardinal dit que les habitants de St. Xist avaient immédiates accédé à sa proposition, que le pape les appointait prédicateurs. Cette fausseté réussit ; car les habitants de La Garde pensant que ce que le cardinal disait était la vérité, consentirent à suivre l'exemple de leurs frères de St. Xist.
Ayant gagné ce point par fausseté, il envoya des troupes pour massacrer les gens de St.
Xist. Il commanda aux soldats de les chasser dans les bois comme des bêtes sauvages, et de n'épargner ni l'âge ni le sexe. Les troupes entrèrent dans les bois et plusieurs pauvres Xistiens devinrent la proie de leur férocité, avant que les Vaudois eussent découvert leur dessein.
Enfin, toutefois, ils décidèrent de vendre leur vie aussi chère que possible, et il y eut plusieurs combats dans lesquels les Vaudois à demi-armés firent des prodiges de valeur, et plusieurs furent tués des deux côtés. Enfin, la plus grande partie des troupes étant tuées dans leur différentes rencontres, le reste fut forcé de retraiter, ce qui fâcha tellement le cardinal qu'il écrivit au vice-roi de Naples pour obtenir du renfort.
Le vice-roi proclama que dans tout le territoire Napolitain les proscrits, les déserteurs et autres individus condamnés seraient volontiers pardonnés, à condition de faire une campagne contre les habitants de St. Xist et continueraient sous les armes jusqu'à ce qu'ils fussent détruits. Sur cela plusieurs personnes de fortune désespérée vinrent et étant formées en compagnies légères, furent envoyées pour battre les bois et mettre à mort tous ceux qu'ils pourraient rencontrer appartenant à la religion réformée. Le vice-roi lui-même joignit le cardinal, à la tête de forces régulières, et réunis ils essayèrent d'accomplir leur projet 60
sanguinaire. Ils en attrapèrent quelques-uns et les suspendant aux arbres, ils coupèrent les branches et les brûlèrent ou laissèrent leurs corps pour être dévorés par les bêtes ou les oiseaux de proie. Ils en tuèrent plusieurs à distance ; mais ils chassèrent et tuèrent le plus grand nombre par amusement. Quelques-uns s'échappèrent dans des cavernes où la famine les fit périr dans leur retraite. Cette cruelle poursuite fut continuée jusqu'à la destruction de ces malheureux.
Les habitants de St. Xist étant exterminés, ceux de La Garde attirèrent leur attention. La plus complète protection leur fut offerte, s'ils voulaient embrasser la foi catholique. S'ils refusaient cette offre, on les pousserait aux dernières extrémités. Les Vaudois, toutefois, refusèrent unanimement de renoncer à leur religion ou d'embrasser les erreurs du papisme. Le cardinal et le vice-roi furent tellement enragés de cela qu'ils ordonnèrent que trente d'entre eux fussent mis immédiatement à la torture pour effrayer le reste. Plusieurs d'entre eux moururent à la torture ; un, nommé Charlin, en particulier, fut si cruellement traité que son corps éclata, et il expira au sein de la plus grande agonie. Ces cruautés ne produisirent pas les résultats qu'on attendait ; ceux qui survécurent à la torture, et ceux qui ne l'avaient pas éprouvée demeurèrent fermes à leur foi, déclarant que rien ne les indurait à renoncer à Dieu ou à s'agenouiller devant les idoles. En entendant cela ce cardinal endurci commanda que plusieurs d'entre eux fussent dépouillés de leurs habits, et fouettés à mort avec des verges de fer ; quelques-uns furent hachés avec des épées ; d'autres furent jetés du haut d'une tour élevée
; et enfin d'autres couverts de goudron et brûlés vifs.
Le vice-roi ayant à retourner à Naples, et le cardinal à Rome, le marquis de Butiane reçu la commission de compléter ce qu'ils avaient commencé, ce qu'il effectua enfin, de sorte qu'il ne resta pas une seule personne de la religion protestante dans la Calabre.
Récit des Persécutions dans les Vallées du Piémont.
Les Vaudois, à cause des persécutions qu'ils endurèrent en France, se sauvèrent, entre autres endroits, aux vallées du Piémont où ils crûrent et fleurirent pendant un temps. Malgré leur conduite inoffensive, toutefois, et leur paiement régulier des dîmes au clergé romain, ce dernier se plaignit à l'archevêque de Turin qu'ils étaient des hérétiques.
A Turin, un des réformés eut les entrailles arrachées et placées devant son visage jusqu'à ce qu'il expira. A Revel, Catelin Girard étant sur le bûcher, désira que l'exécuteur lui donnât une pierre ; alors Girard la regardant attentivement dit : "Quand il sera du pouvoir d'un homme de digérer cette pierre, la religion pour laquelle je souffre aura une fin et pas avant” Il jeta alors, la pierre par terre et se laissa joyeusement consumer par les flammes. Un plus grand nombre fut opprimé et mis à mort, jusqu'à ce que fatigués de leurs souffrances les Vaudois coururent enfin aux armes.
Philippe VII était alors duc de Savoie et seigneur suprême du Piémont. Il se détermina enfin d'arrêter ces guerres sanglantes. Ne voulant pas offenser le pape ou l'archevêque, il envoya leur dire qu'il ne pouvait plus longtemps voir ses domaines envahis par des troupes 61
commandées par des prélats au lieu de généraux ; et qu'il ne souffrirait pas que son pays fut dépeuplé.
Pendant son règne les Vaudois jouirent de repos ; mais à sa mort la scène changea, car son successeur était un papiste bigot. Environ ce temps-là les Vaudois proposèrent que leur clergé prêchât en public, pour que chacun connût la pureté de leurs doctrines ; car jusqu'ici ils n'avaient prêché qu'eu particulier et aux personnes de la religion réformée. Jusqu'à présent ils ne possédaient que le Nouveau Testament et quelques livres du Vieux dans leur propre langue.
Désireux d'avoir le tout, ils employèrent un imprimeur suisse pour leur en fournir une édition complète pour 1,500 écus d'or (Ce fut la première édition de la Bible d'Olivétan).
Quand la nouvelle de cela parvint au nouveau duc, il fut très en colère et envoya un fort détachement de troupes dans la vallée, jurant que si le peuple ne voulait pas se conformer il les ferait écorcher vifs. Le commandant trouva bientôt qu'il ne pouvait conquérir avec le nombre de soldats à ses ordres, il envoya donc dire au duc que l'idée de subjuguer les Vaudois avec une aussi petite force était ridicule ; qu'ils étaient familiers avec le pays, s'étaient emparés des défilés, étaient bien armés et déterminés à se défendre ; et quant à les écorcher vivants, que chaque peau qu'il arracherait lui coûterait une douzaine de vies. Alarmé de ceci, le duc rappela ses troupes, se déterminant à agir par stratagème. Il offrit donc des récompenses pour tout Vaudois qui serait pris et ceux-là furent soit écorchés vivants ou brûlés.
Paul III., un bigot enragé, en montant sur le trône pontifical sollicita le parlement de Turin de persécuter les Vaudois comme étant les hérétiques les plus dangereux. Le parlement y consentit et plusieurs furent saisis et brûlés par son ordre. Parmi ceux-là fut Barthélemy Hector, libraire et papetier de Turin. Il fut élevé comme catholique romain, mais des traités par quelque membre du clergé réformé étant tombés entre ses mains, il fut convaincu des erreurs de l'église de Rome ; son esprit fut en suspens pendant quelque temps entre la peur et le devoir. Enfin il embrassa pleinement la religion réformée ; il fut pris et brûlé.
Une consultation étant de nouveau tenue par le parlement de Turin, il fut convenu que des députés seraient envoyés aux vallées du Piémont avec les propositions suivantes. Que si les Vaudois voulaient retourner à l'église de Rome ils jouiraient de la possession de leurs maisons et de leurs terres et y vivraient sans vexation. Que pour prouver leur obéissance, ils devraient envoyer douze des principales personnes avec tous leurs ministres et instituteurs à Turin, pour y être traités à discrétion. Que le pape, le roi de France et le duc de Savoie approuvaient et autorisaient ces propositions. Que si les Vaudois les rejetaient, la persécution et la mort seraient leur récompense.
Les Vaudois firent la noble réponse suivante : Qu'aucune considération ne les ferait renoncer à leur religion. Qu'ils ne consentiraient jamais à confier leurs meilleurs et leurs plus estimables amis à la discrétion de leurs pires ennemies. Qu'ils estimaient l'approbation du Roi des rois plus que celle de toute autorité temporelle. Que leurs âmes étaient plus précieuses que leurs corps et recevraient leur plus grand soin et considération.
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Ces réponses hardies exaspérèrent le parlement de Turin, qui continua plus ardemment que jamais à s'emparer des Vaudois, qui tombaient dans leurs mains et les mit à mort de la façon la plus cruelle. Parmi ceux-ci se trouva Jeffrey Varnagle, ministre de Angrogne qu'ils firent périr par les flammes. Ils demandèrent bientôt auprès du roi de France un corps de troupes pour les exterminer des vallées du Piémont ; mais justement comme les troupes étaient sur le point de se mettre en marche les princes allemands interposèrent et menacèrent d'assister les Vaudois. Sur cela le roi de France envoya dire au parlement de Turin qu'il ne pouvait se passer de troupes et les envoyer en Piémont. Ces sénateurs sanguinaires furent ainsi désappointés, et les persécutions cessèrent graduellement, puisque maintenant ils ne pouvaient mettre à mort que quelques-uns qu'ils attrapaient par hasard.
Après quelques années de tranquillité, ils furent encore dérangés. Le nonce du pape venant à Turin, dit au duc de Savoie qu'il était étonné que les Vaudois n'étaient pas encore chassés des vallées du Piémont, ou forcés de rentrer dans l'église ; que sa négligence éveillait des soupçons ; et qu'il rapportera l'affaire au pape. Craignant d'être représenté au pape sous de fausses couleurs, le duc, pour prouver son zèle, résolut de déchaîner toute sa cruauté sur les Vaudois inoffensifs. Il leur envoya des ordres d'aller à la messe régulièrement sous peine de mort. Ils refusèrent de s'y soumettre, et sur ce refus il entra dans leurs vallées avec un grand corps de troupes et commença une des plus cruelles persécutions pendant laquelle plusieurs furent pendus, noyés, attachés aux arbres ou percés de fourches, jetés au bas de précipices, brûlés, poignardés, mis à la torture, déchirés par les chiens et crucifiés avec la tête en bas.
Ceux qui s'enfuirent eurent leurs maisons brûlées. Quand un ministre ou un instituteur était pris il lui faisait souffrir les plus grandes tortures. Si quelques-uns chancelaient dans leur foi, ils les envoyaient aux galères pour les convertir à force de duretés.
Le duc de Savoie, n'étant pas aussi heureux qu'il le désirait, accrut ses forces en y joignant des scélérats relâchés des prisons, à la condition de leur aider à exterminer les Vaudois. Ces derniers n'eurent pas plutôt été informés de cela qu'ils se saisirent d'autant de biens qu'ils purent et quittant leurs vallées, se retirèrent dans les bois et dans les cavernes des Alpes. Les troupes, en atteignant leur pays, commencèrent à piller et à brûler les villes et les villages ; mais ils ne purent forcer les défilés dans les Alpes, galamment défendus par les Vaudois, qui dans ces tentatives repoussaient toujours leurs ennemis ; mais si quelqu'un tombait dans leurs mains ils le traitaient impitoyablement. Un soldat en ayant pris un d'entre eux lui coupa l'oreille droite disant, "Je vais porter ce membre de ce méchant hérétique avec moi dans mon pays et le conserver comme une rareté” Il poignarda alors l'homme et le jeta dans un fossé.
Une fois un parti de troupes trouva un homme vénérable âgé de plus de 100 ans, avec sa petite fille, une fille d'environ dix-huit ans dans une caverne. Ils tuèrent le vieillard d'une manière atroce et auraient cruellement abusé la fille si elle n'était échappée. Trouvant qu'elle était poursuivie, elle se jeta en bas d'un précipice et se tua. Décidés, si possible, à chasser les envahisseurs, les Vaudois formèrent une ligue avec les puissances protestantes en Allemagne et avec les réformés en Dauphiné et Pragela. Ceux-ci devaient fournir des troupes ; et les 63
Vaudois résolurent, quand ils seraient renforcés, de quitter les Alpes, où comme l'hiver approchait, ils auraient bientôt péri, et de chasser l'armée du duc de leurs vallées natives.
Le duc lui-même, toutefois, était fatigué de la guerre. Elle avait été beaucoup plus ennuyeuse et sanguinaire qu'il l'avait espéré, aussi bien que plus conteuse ; il avait espéré que le pillage aurait couvert les dépenses mais le nonce du pape, les évêques ; les moines et autres ecclésiastiques qui suivaient son armée sous divers prétextes, prirent la plus grande partie des dépouilles pour eux-mêmes. Pour ces raisons-ci et d'autres et craignant que les Vaudois, par les traités qu'ils avaient faits, deviendraient trop puissants pour lui, se décida à faire la paix avec eux. Ce qu'il fit contre le gré des ecclésiastiques qui par la guerre assouvissaient leur avarice et leur vengeance. Avant que les articles pussent être ratifiés le duc mourut ; mais sur son lit de mort il commanda à son fils de faire ce qu'il avait promis et d'être aussi favorable que possible aux Vaudois. Charles Emmanuel, le fils du duc, ratifia la paix au complet, les prêtres essayant en vain de l'en dissuader.
Persécution à Venise et à Rome.
Avant que les terreurs de l'inquisition ne fussent connues à Venise, plusieurs protestants s'y étaient établis, et plusieurs furent convertis par la pureté de leurs doctrines et l'innocence de leurs vies. Quand le pape apprit cela, en l'an 1542, il envoya des inquisiteurs à Venise pour s'en informer, et arrêter ceux qu'ils pensaient coupables. Ainsi une sévère persécution commença et plusieurs furent martyrisés pour avoir servi Dieu avec sincérité. Aussitôt que la sentence était rendue le prisonnier avait une chaîne en fer à laquelle une grosse pierre était attachée, passé autour du corps ; il était alors mis sur une planche avec le visage en haut et attaché à deux bateaux on le mena en mer ; les bateaux alors se séparaient et par le poids de la pierre, il calait.
Si quelqu'un refusait de reconnaître la juridiction des inquisiteurs à Venise, ils étaient conduits à Rome, où, étant enfermés dans des prisons humides et nauséabondes il s'en suivait une mort des plus misérables. Un citoyen de Venise, nommé Antoine Ricetti, étant arrêté, fut condamné à être noyé de la manière ci-dessus décrite. Quelques jours avant son exécution son fils le supplia de se rétracter. Son père répondit, "Un bon chrétien est forcé d'abandonner non seulement ses biens et ses enfants, mais la vie elle-même pour la gloire du Rédempteur” Les nobles de Venise lui envoyèrent dire, que s'il voulait embrasser la religion catholique romaine, qu'ils ne lui épargneraient pas seulement la vie, mais rachèteraient pour lui un bien-fonds considérable qu'il avait hypothéqué. Il refusa, toutefois, d'accepter cette proposition. Ils commandèrent donc l'exécution de sa sentence, et il mourut en recommandant ardemment son âme à son Rédempteur. Francis Séga, un autre vénitien, persista fermement dans sa foi et fut exécuté quelques jours après Ricetti, de la même manière.
Francis Spinola, un gentilhomme protestant très savant, fut arrêté et amené devant leur tribunal. Un traité sur la communion lui fut mis en main et on lui demanda s'il en connaissait l'auteur. Voici sa réponse, "Je m'en confesse l'auteur ; et il affirma solennellement qu'il n'y a 64
pas une ligne qui ne soit autorisée et par les Saintes Écritures et ne soit en rapport avec elles”
Sur cette confession il fut envoyé en prison. Quelques jours après il fut amené à un second examen et il les accusa d'être des barbares inhumains, et il représenta la superstition et l'idolâtrie de l'église de Rome de telle sorte, que, incapables de réfuter ses arguments, ils le renvoyèrent à sa prison. Étant ramené une troisième fois, ils lui demandèrent s'il rétracterait ses erreurs ; à quoi il répondit que ses doctrines étaient les mêmes que celles que le Christ et ses apôtres avaient enseignées et qui étaient conservées dans le volume sacré. Il fut alors noyé de la manière déjà décrite.
L'incident suivant très remarquable arriva à Rome. Un jeune Anglais passait un jour devant une église quand une procession portant l'hostie en sortait. Un évêque portait l'hostie ; ce que le jeune homme ayant vu, il la lui arracha, la jeta par terre et la foulant aux pieds s'écria,
"Misérables idolâtres que vous êtes qui négligez le vrai Dieu pour adorer un morceau de pain
!" Le peuple l'aurait déchiré en morceaux sur les lieux ; mais les prêtres leur persuadèrent de s'en remettre à la décision du pape.
Le pape commanda qu'il fut brûlé immédiatement : mais un cardinal, plus raffiné en cruauté, l'en dissuada, disant qu'il valait mieux le torturer et trouver ainsi s'il avait été poussé par quelqu'un pour commettre un acte aussi atroce. Il fut donc torturé avec une sévérité inaccoutumée ; mais ils ne purent obtenir de lui que ces mots, "C'était la volonté de Dieu que je fisse ce que j'ai fait” Le pape le condamna donc à être conduit, nu jusqu'au milieu du corps, par les rues de Rome, par l'exécuteur, à porter l'image du diable sur sa tête d'avoir ses culottes peintes en rouge d'avoir la main droite coupée et après avoir été mené en procession, d'être brûlé.
En entendant cette sentence, il implora Dieu de lui donner de la force. Comme il passait à travers les rues, le peuple se moqua de lui, sur quoi il fit des remarques très sévères concernant la superstition romaine. Mais un cardinal ayant saisi quelques mots commanda qu'il fut bâillonné. Quand il vint à la porte de l'église où il avait foulé l'hostie, le bourreau lui coupa la main droite et la fixa sur une perche. Alors, deux bourreaux, avec des torches enflammées, lui brûlèrent la chair le reste du chemin. A la place de l'exécution il baisa les chaînes qui devaient le lier. Un moine lui présentant la figure d'un saint, il la jeta loin et étant attaché au bûcher, les fagots furent allumés et il fut brûlé en cendres.
Autres Détails des Persécutions dans les Vallées du Piémont au Dix-septième Siècle.
Le pape Clément huit envoya des missionnaires dans les vallées du Piémont, pour induire les protestants à renoncer à leur religion. Ces missionnaires, érigeant des monastères, devinrent bientôt si gênants aux réformés, qu'ils envoyèrent une pétition au duc de Savoie pour obtenir protection. Mais, au lieu de cela, le duc publia un décret, qu'un témoin serait suffisant en cour civile contre un protestant, et qu'un témoin qui ferait convaincre un protestant de crime recevrait cent écus de récompense. En conséquence de cela plusieurs protestants devinrent martyrs du parjure et de l'avarice ; car il y avait des papistes qui pouvaient jurer 65
n'importe quoi pour l'amour d'une récompense, et aller en suite à leurs prêtres pour l'absolution.
Parmi les victimes de ces persécutions furent les suivantes : Peter Simonds, un protestant, d'environ quatre-vingts ans, fut attaché et ensuite jeté au bas d'un précipice. Dans sa chute la branche d'un arbre se prit dans les cordes qui l'attachaient et le suspendirent à moitié chemin, de sorte qu'il languit pendant plusieurs jours avant de périr de faim. Une femme, nommée Armand, eut les membres séparés les uns des autres, les parties furent alors pendues sur une haie. Plusieurs hommes, femmes et enfants furent jetés du haut des rochers et mis en pièces.
Parmi celles-là se trouvait Madeleine Bertino, une protestante de La Torre, qui fut liée et jetée à bas des précipices. Marie Ramondet, de la même ville, eut la chair déchirée jusqu'à ce qu'elle expira. Madeleine Pilot, de Villaro fut mise en pièces dans la caverne de Castolus. Anne Charbonière eut un bout de pièce enfoncé dans son corps et l'autre étant fixé en terre elle mourut de langueur. Jacob Perin un ancien de l'église Villaro, avec David son frère, furent écorchés vifs.
Giovanni, André Michialin, un habitant de La Torre, avec quatre de ses enfants furent arrêtés ; trois d'entre eux furent tués sous ses yeux, les soldats lui demandant à la mort de chacun d'eux s'il voulait se rétracter, ce qu'il refusa. Un des soldats alors prit le plus jeune par les jambes, et faisant la même question au père, qui répondit comme auparavant, la brute sans cœur brisa la cervelle de l'enfant. Le père toutefois, au même instant, s'échappa d'eux et se sauva ; les soldats tirèrent mais le manquèrent ; il se sauva dans les Alpes. Giovanni Pelanchion, refusant d'abjurer sa foi, fut attaché à la queue d'une mule et traîné à travers les rues de Lucerne, au milieu des acclamations de la foule, qui continua à le lapider et à crier,
"Il est possédé du diable” Ils le menèrent alors au bord de la rivière, lui tranchèrent la tête et le laissèrent avec son corps sans sépulture sur le bord.
Pierre Fontaine avait une belle enfant, de dix ans, nommée Madeleine, qui fut abusée et tuée par les soldats. Une autre fille, d'environ le même âge, ils rôtirent vivante à Villa Nova ; et une pauvre femme, entendant les soldats venir vers sa maison enleva le berceau dans lequel son enfant dormait, et se sauva vers les bois. Les soldats la poursuivant, elle mit le berceau et l'enfant par terre ; les soldats tuèrent l'enfant et continuant leur poursuite égorgèrent la mère dans une caverne. Jacobo Michelino, principal ancien de l'église de Bobbio, et plusieurs autres protestants, furent suspendus par des crochets plantés dans leurs corps et abandonnés ainsi jusqu'à la mort. Géovanni Rostagnal, un vénérable protestant de plus de quatre-vingts ans eut les traits déchiquetés et fut autrement mutilé avec des armes tranchantes jusqu'à ce qu'il saignât à mort. Daniel Saleagio et sa femme Géovanni Durant, Lodwich Durant, Barthélémy Durant, Daniel Ravel, et Paul Reynaud eurent leurs bouches remplies de poudre à canon, et leurs têtes réduites en atomes.
Jacob Bîrone, un instituteur de Rocata, refusant de changer de religion, eut les ongles de ses pieds et de ses doigts arrachés avec des pincettes rougies et des trous percés à travers les 66
mains avec la pointe d'un poignard. Il eut ensuite une corde attachée au milieu du corps et conduit dans les rues avec un soldat de chaque côté de lui. A chaque coin de rue le soldat à sa droite coupait une entaille dans sa chair et le soldat à sa gauche le frappait avec un assommoir, les deux disant, "Irez-vous à la messe ? ", "Irez-vous à la messe ?" Il répondait dans la négative et étant enfin mené au pont, ils lui coupèrent la tête sur la balustrade et ils la jetèrent avec son corps dans la rivière. Paul Garnier, aimé pour sa piété eut les yeux crevés, fut ensuite écorché vivant et divisé en quatre parties qui furent placées sur les principales maisons de Lucerne. Il supporta ses souffrances avec une patience exemplaire, louant Dieu aussi longtemps qu'il put parler.
Daniel Cardfen, de Rocappiata, étant arrêté par des soldats eut la tête tranchée. Deux vieilles femmes pauvres et aveugles, du St. Giovanni, furent brûlées vivantes. Une veuve de La Torre, avec sa fille furent conduites dans la rivière et là lapidée à mort. Paul Giles, essayant de se sauver, fut tiré dans le cou ; ils le mutilèrent et le poignardèrent, et donnèrent sa carcasse aux chiens.
Une jeune femme, nommée Sousanna Ciacquin, étant assaillie par un soldat, elle fit une vive résistance, et dans la lutte le poussa dans un précipice où il fut mis en pièces dans sa chute. Ses camarades se jetèrent sur elle avec leurs épées et la mirent en pièces. Le marquis de Pianessa donna l'ordre d'exécuter Giovanni Pullius auprès d'un couvent. Quand il fut amené à la potence, plusieurs moines étaient présents voulant le persuader de renoncer à sa religion.
Mais il leur dit qu'il était heureux d'être compté digne de souffrir pour le nom de Christ. Ils lui représentèrent alors tout ce que sa femme et ses enfants qui dépendaient de son travail, auraient à souffrir après sa mort ; voici sa réponse, "Je désire que ma femme et mes enfants ainsi que moi-même, considèrent leurs âmes plus que leurs corps, et le monde à venir avant celui-ci ; et par rapport au besoin dans lequel je puis les laisser, Dieu est miséricordieux et pourvoira à leurs besoins” Le trouvant inflexible, les moines commandèrent à l'exécuteur de faire sa besogne et il envoya le martyr dans le séjour de gloire.
Daniel Rambaut, de Villaro, fut saisi et avec plusieurs autres, enfermé dans les cachots de Paysana. Ici il fut visité par plusieurs prêtres, qui essayèrent de le persuader à devenir papiste
; mais il refusa de le faire ; les prêtres alors, prétendant prendre en pitié sa nombreuse famille, lui dirent qu'il aurait la vie sauve, s'il voulait souscrire aux articles suivants : La présence réelle dans l'hostie la transsubstantiation le purgatoire L'infaillibilité du pape Que les messes dites pour les morts font sortir les âmes du purgatoire Que les prières aux saints procurent la rémission des péchés. Rambaut répondit que ni sa religion, son intelligence ni sa conscience ne lui permettraient de souscrire à ces articles. Remplis de rage à sa réponse, les prêtres essayèrent d'ébranler sa résolution par des tortures journalières ; ils le privèrent d'un membre après l'autre graduellement et pour lui causer la plus grande agonie ; trouvant qu'il endurait ses souffrances avec un courage indomptable, ils le poignardèrent au cœur et donnèrent son corps à être dévoré par les chiens.
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Le Livre des Martyrs de Foxe
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Chapitre X - Contenant l’Histoire de la Reformation et Les Circonstances Histoire de la martyrologie et de la réformation avec un récit de Wickliffe et de ses doctrines.
Le premier essai sérieux fait en Angleterre tendant à la réformation de l'église eut lieu sous le ceigne de Édouard III., environ l'année 1350, quand l'étoile du matin de cette ère glorieuse se leva en Jean Wickliffe. Il était un conférencier de divinité à l'université d'Oxford, et bien versé dans la théologie et toutes sortes de philosophie. Cela était reconnu par ses adversaires.
A sa naissance les plus grandes ténèbres couvraient l'église. Il ne restait guère que le nom de Christ parmi les chrétiens, tandis que sa doctrine vraie et vivante était aussi inconnue à la plus grande partie que son nom était commun à tous les hommes.
Wickliffe publia hardiment sa croyance par rapport à plusieurs articles de religion, dans laquelle il différait de la doctrine communément reçue. Le pape Grégoire XI., apprenant cela, condamna quelques-uns de ses dogmes et commanda à l'archevêque de Canterbury, et à l'évêque de Londres, de l'obliger de souscrire à leur condamnation ; et en cas de refus de le sommer à Rome. Cette commission ne pouvait pas être aisément exécutée, Wickliffe ayant de puissants amis, le principal était Jean de Gaunt, duc de Lancaster qui avait beaucoup de pouvoir et était résolu de le protéger. L'archevêque tenant un synode à St. Paul, Wickliffe parut, accompagné du duc de Lancaster et du seigneur Perey, maréchal d'Angleterre ; alors une dispute s'étant élevée pour savoir si Wickliffe répondrait se tenant debout ou assis, le duc de Lancaster en vint aux menaces et dit des paroles dures à l'évêque. Les gens qui étaient présents, croyant l'évêque en danger, se rangèrent de son côté, de sorte que le duc et le grand maréchal pensèrent prudent de se retirer et d'amener Wickliffe avec eux.
Une circonstance se présenta bientôt après, qui contribua à aide la cause de la vérité.
Après la mort du pape Grégoire XI. qui désirait écraser Wickliffe et ses doctrines, le grand schisme eut lieu. Urbain VI., qui succéda à la chaire papale, était si orgueilleux et insolent, qu'un nombre de cardinaux et de courtisans élevèrent un autre pape contre lui, nommé Clément, qui régna onze ans. Après lui, Benedict XIII. fut élu qui régna vingt-six ans. Sur le côté opposé, Urbain VI. succéda à Boniface IX. Innocent VIII., Grégoire XII., Alexandre V., et Jean XIII. Concernant ce misérable schisme, il faudrait une autre Iliade pour en raconter en ordre les diverses circonstances et les évènements tragiques.
Wickliffe, qui considérait moins les injonctions des évêques que son devoir envers Dieu, continua à promulguer ses doctrines et à dévoiler la vérité aux yeux des hommes. Il écrivit plusieurs ouvrages qui causèrent une grande alarme au clergé et l'offensa ; mais la protection du duc de Lancastre le mit à couvert de leur malice. Il traduisit la Bible en anglais, qui, dans l'ignorance du temps, eut l'effet du soleil se levant dans une nuit obscure. A cette Bible il ajouta une préface hardie dans laquelle il critiqua la vie déréglée du clergé et condamna le culte des saints, des images et la présence réelle de Christ dans le sacrement ; mais ce qui 69
offensa le plus ses ennemis fut son exhortation au peuple de lire les Écritures-Saintes pour eux-mêmes.
A peu près dans le même temps il s'éleva une dissension en Angleterre entre le peuple et la noblesse qui ne contribua pas peu à porter le trouble dans l'État. Dans ce tumulte Simon de Sudbury, archevêque fut pris par le peuple et décapité. William Courtnay lui succéda qui ne fut pas moins diligent à faire tout en son pouvoir pour détruire les hérétiques. Malgré cela les partisans de Wickliffe s'accrurent, et augmentèrent en nombre tous les jours, jusqu'à ce que Barton, vice-chancelier d'Oxford, rassemblant huit docteurs monastiques et quatre autres avec le consentement du reste, mit le sceau ordinaire de l'université à un édit, menaçant d'une amende sévère quiconque ci-après s'associerait avec aucun des adhérents de Wickliffe. Il menaça Wickliffe lui-même de l'excommunication majeure et d'emprisonnement à moins que sous trois jours il ne se repentît et s'amendât ; ce que Wickliffe ayant compris, oubliant le pape et tout le clergé, il pensa en appeler au roi, mais le duc de Lancaster s'interposant, le lui défendit ; c'est pourquoi, étant obsédé de troubles et de vexations, il fut de nouveau forcé de faire une confession de sa doctrine.
En conséquence de la traduction de la Bible par Wickliffe et de sa préface, ses adhérents se multiplièrent beaucoup. Plusieurs d'entre eux, en vérité, étaient des hommes instruits ; mais étant convaincus par un raisonnement solide ils se rangèrent de son côté. En peu de temps ses doctrines firent de glands progrès étant épousées non seulement par un grand nombre des étudiants d'Oxford, mais aussi par les grands hommes à la cour, particulièrement par le duc de Lancaster et lord Percy, ainsi que par plusieurs jeunes gentilshommes. Ainsi Wickliffe peut être considéré comme le grand fondateur de la réformation de ce royaume. Il était du Collège Merton à Oxford, où il prit son degré de docteur et devint si éminent par son beau génie et son grand savoir, que Simon Islip, archevêque de Canterbury - ayant fondé le Collège de Canterbury, maintenant Christ Church à Oxford - le nomma recteur, emploi qu'il remplit avec l'approbation universelle jusqu'à la mort de l'archevêque.
Langhalm successeur de Islip, désireux de favoriser les moines et de les introduire au collège, essaya de renvoyer Wickliffe et de mettre un moine nommé Woodhall, sa place. Mais les agrégés du collège refusant d'y consentir, l'affaire fut portée à Rome et Wickliffe dépouillé en faveur de Woodhall. Toutefois, ceci ne diminua en rien sa réputation. Bientôt après on lui présenta la cure de Lutterworth, dans le comté de Leicester, et il publia, dans des sermons et des écrits, ses opinions qui se répandirent dans tout le pays. Ses ennemis les plus acharnés ne l'accusèrent jamais d'immoralité. Ce grand homme fut laissé en repos à Lutterworth jusqu'à sa mort, qui arriva le 31 décembre 1385. Mais après que son corps eut reposé en terre quarante-et-un- ans, ses os furent déterrés par un décret du synode de Constance, brûlés publiquement et jeté à la rivière près de la ville. Cette condamnation de sa doctrine n'empêcha pas sa dissémination dans tout le royaume et avec un tel succès que, suivant Spelman, on pouvait à peine trouver deux hommes ensemble dont l'un n'était pas un Lollard ou un Wickliffite.
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Wickliffe écrivit plusieurs ouvrages, dont les copies, en l'an 1410, furent brûlées à Oxford.
Et, non seulement en Angleterre, mais également en Bohème, ses livres furent brûlés, l'archevêque de Prague en ayant fait une recherche diligente.
Dans le concile de Latran on fit un décret qui exigea de tous les magistrats d'extirper les hérétiques sous peine d'être déposés. Les canons du concile étant reçus en Angleterre. La persécution des hérétiques devint une partie du droit coutumier ; et une ordonnance, intitulée de heretico comburendo, fut passé sous Henri IV. pour les brûler sur condamnation après quoi des statuts spéciaux furent faits dans le même but. Le premier fut approuvé seulement des lords et du roi. Les communes ne s'y prêtèrent pas. Cependant la plus grande portée de sa sévérité était que les lois de l'église devraient être supportées par des ordonnances.
Il paraît que les hérétiques étaient alors très nombreux ; qu'ils portaient un habillement particulier, prêchaient dans les églises et autres endroits contre la croyance reçue et refusaient de respecter les censures ecclésiastiques.
Quand Henri IV. parvint au trône, en 1399, il passa un édit contre tous ceux qui présumaient de prêcher sans la licence de l'évêque. Tous les transgresseurs de cette espèce devaient être emprisonnés et amenés en jugement dans l'espace de trois mois. S'ils offraient d'abjurer, sur condamnation, et ne retombaient pas, ils devaient être emprisonnés et forcés de payer une amende, mais s'ils refusaient d'abjurer ou retombaient, ils devaient être livrés an bras séculier pour être brûlés dans un endroit public. Dans ce temps-là un nommé William Sautre, curé de St. Osith, à Londres, étant condamné comme récidive et dégradé par Arundel, archevêque Canterbury, une ordonnance fut émise, dans laquelle le bûcher est appelé la punition ordinaire et citant aussi les coutumes des autres nations. Ceci fut le premier exemple de cette cruelle punition dans le royaume.
Le clergé, craignant que les doctrines de Wickliffe ne gagnassent du terrain, firent tous leurs efforts pour les réprimer. Sous le règne de Richard II, les évêques obtinrent une autorisation générale pour emprisonner les hérétiques sans un ordre spécial de la cour ; ce que, toutefois, la Chambre des Communes révoqua. Mais comme la peur d'emprisonnement ne pouvait arrêter le mal, Henry IV., qui désirait obtenir le bon vouloir du clergé, recommanda avec ferveur les intérêts de l'église au parlement. Quoique la Chambre des Communes fût peu disposée à poursuivre les Lollards, le clergé obtint enfin une des plus détestables mesures pour brûler les hérétiques qui ne fut révoquée qu'en 1677. Ce fut immédiatement après la passation de cet acte que la cour ecclésiastique condamna William Sautre au bûcher.
Malgré l'opposition du clergé la doctrine de Wickliffe se répandit sous le règne de Henri IV ; à un tel degré que la majorité de la Chambre des Communes était en sa faveur ; en conséquence ils présentèrent deux pétitions au roi, une contre le clergé et l'autre contre les Lollards. La première représentait que le clergé faisait un mauvais usage de son bien et le dépensait d'une manière toute différente de l'intention des donateurs ; que ses revenus étaient excessifs et devraient être diminués. Dans la seconde pétition ils demandaient que le statut 71
passé contre les Lollards fût annulé ou restreint. Comme il était de l'intérêt du roi de plaire au clergé il répondit aux Communes sévèrement refusant de consentir à leurs pétitions. Quant aux Lollards, il déclara qu'il désirait qu'ils fussent chassés du pays. Pour en prouver la vérité, il signa un mandat pour brûler un homme d'une humble position, mais d'une grande résolution et d'une profonde piété, du nom de Thomas Badly, tailleur de son état. Il fut condamné pour hérésie, en l'an 1409, devant l'évêque de Worcester. Dans son examen il dit, qu'il était impossible qu'un prêtre fît le corps de Christ sacramentalement, et qu'il ne le croirait pas à moins de le voir se manifester sur l'autel ; qu'il était ridicule d'imaginer, qu'au souper, Christ vint tenir dans sa propre main son propre corps et le diviser à ses disciples et tout en restant intact. "Je crois," dit-il, "Au Dieu Tout-Puissant dans la Trinité" mais si chaque hostie consacrée à l'autel est le corps de Christ, il doit y avoir alors en Angleterre pas moins de 20,000 dieux.
Après cela il fut examiné devant l'archevêque de Canterbury, et de nouveau en présence d'un grand nombre d'évêques, du duc de York et de plusieurs personnes de la noblesse. On fit de grands efforts pour le faire rétracter mais il resta fidèle. Sur ce fait l'archevêque de Canterbury ratifia la sentence de l'évêque de Worcester. Quand le roi eut signé son arrêt de mort, il fut amené à Smithfield, et là, étant mis dans une cuvette, il fut attaché avec des chaînes à un bûcher et du bois sec mis autour de lui. Avant que le bois ne fût allumé, le fils aîné du roi vint près du lieu, et agissant en bon Samaritain, il essaya de sauver la vie de celui que les lévites hypocrites essayaient de mettre à mort. Il lui conseilla de sortir de ces dangereux labyrinthes d'opinions, y ajoutant des menaces qui auraient intimidé n'importe quel homme.
Courtney aussi, alors chancelier d'Oxford, fit valoir auprès de lui la croyance de l'église.
Cependant le prieur de St. Barthélemy, à Smithfield, apporta le sacrement du corps de Christ, avec douze torches portées en avant, au pauvre homme sur le bûcher. Il lui demanda ce qu'il croyait que c'était ; il répondit que c'était du pain bénit, mais non pas le corps de Christ.
Le feu étant alors appliqué, il s'écria, "Miséricorde" s'adressant en même temps à Dieu ; alors le prince commanda d'ôter la tonne et d'éteindre le feu. Il lui demanda alors s'il abandonnerait son hérésie ; que s'il le voulait, il aurait assez de bien et aussi une pension annuelle du trésor du roi. Mais ce vaillant champion de Christ refusa l'offre, plus enflammé de l'esprit de Dieu que du désir des biens terrestres. Le prince, en conséquence, commanda qu'on le remit dans la tonne. Comme on ne pouvait le séduire par une récompense on ne put l'abattre par les tourments ; mais comme un vaillant soldat de Christ, il persévéra jusqu'à ce que son corps fût réduit en cendres et son âme triomphante s'élevât vers Dieu d'où elle venait.
Sous le règne de Henri V., en 1413, on dit qu'on avait découvert une prétendue conspiration, évidemment l'œuvre des prêtres, dans laquelle Sir John Oldcastle et d'autres adhérents de Wickliffe furent impliqués. Plusieurs de ceux-ci furent condamnés pour haute trahison et hérésie ; ils furent d'abord pendus et ensuite brûlés. Une loi fut alors faite que tous les Lollards perdraient toutes leurs possessions de condition féodale avec leurs biens meubles
; et tous les shérifs et les magistrats furent requis de faire serment de les détruire et leurs 72
hérésies. Le clergé fit un mauvais usage de cette loi, et mit en prison quiconque les offensait
; mais les juges interposèrent en leur faveur, prenant sur eux de déclarer quelles opinions étaient des hérésies d'après la loi et quelles ne l'étaient pas. Ainsi le peuple fut plus protégé par les avocats que par ceux qui auraient dû être les pasteurs de leurs âmes.
Les persécutions des Lollards sous le règne de Henry V. furent causées par le clergé, puisque ce monarque était naturellement opposé à la cruauté : On suppose que la principale cause de l'inimitié du clergé à leur égard provenait de ce qu'ils voulaient les priver d'une partie de leurs revenus. Quoiqu'il en soit, ils pensèrent que la manière la plus effective d'enrayer leurs progrès serait d'en attaquer le principal protecteur, Sir John Oldcastle, baron de Cobham
; et de persuader au roi que les Lollards conspiraient pour renverser le trône. On rapporta même qu'ils avaient l'intention de tuer le roi avec les princes, et la plupart des lords spirituels et temporels, dans l'espérance que la confusion qui en résulterait serait favorable à leur religion. Une fausse rumeur fut répandue, que Sir John Oldcastle avait rassemblé vingt mille hommes à St. Giles-in-the-Fields, un endroit couvert de buissons. Le roi s'y rendit lui-même à minuit et n'y trouvant pas plus de quatre-vingt à cent personnes qui y étaient rassemblées pour un culte, il tomba sur eux et en tua plusieurs avant de savoir le but de leur assemblée.
Quelques-uns d'entre eux étant ensuite examinés furent gagnés par des promesses ou des menaces à confesser tout ce que leurs ennemis désiraient ; et ceux-ci accusèrent Sir John Oldcastle.
Le roi sur cela le pensa coupable ; et mis sa tête à prix de mille marques, avec promesse d'exemption perpétuelle de taxe pour toute personne qui l'arrêterait. Sir John fut pris et emprisonné dans la Tour ; mais il s'échappa et s'enfuit dans le pays de Galles où il se cacha longtemps. Mais étant arrêté ci-après à Powisland, au nord du même pays par Lord Powis, il fut amené à Londres, à la grande satisfaction du clergé, qui était résolu de le sacrifier pour porter la terreur chez le reste des Lollards. Sir John était d'une bonne famille ; avait été shérif de Hertfordshire sous Henri IV et fut appelé au parlement parmi les barons du royaume sous ce règne. Il avait été envoyé au-delà de la mer sous le comte de Arundel pour faire la guerre aux Français. C'était un homme d'un grand mérite et malgré cela il fut pendu par le milieu du corps avec une chaîne et brûlé vivant. Cette sentence barbare fut exécutée au milieu des malédictions des prêtres et des moines, qui firent leurs plus grands efforts pour empêcher le peuple de prier pour lui. Telle fut la fin tragique de Sir John Oldcastle, baron de Cobham, qui quitta le monde avec une résolution qui répondait parfaitement au courage qu'il avait montré dans la cause de la vérité et de Dieu. Ce fut le premier sang noble répandu par la cruauté papale en Angleterre.
Récit Historique du Progrès de la Réformation sous le Règne du Roi Henry VIII.
Le lecteur suivra, sans doute, avec un intérêt tant particulier les faits rapportés sous ce règne. Ce fut alors que Dieu, par le moyen du roi, délivra notre pays du joug papal. Les guerres entre les maisons de York et Lancaster avaient produit un tel trouble que la nation salua avec 73
joie l'accession de Henri VII au trône qui était descendu de la maison Lancastre, par son mariage avec l'héritière de la maison de York, les débarrassèrent de la crainte de nouvelles guerres par de nouveaux prétendants. Mais son avarice, la sévérité de ses ministres, sa mauvaise conduite dans l'affaire de Bretagne, et sa jalousie de la maison de York le rendirent si odieux à son peuple que sa vie était peu respectée et sa mort aussi peu lamentée. Henri VIII lui succéda avec tous les avantages. Sa restitution de l'argent lui avait été exigé du peuple sous le couvert de la prérogative du roi fit coulure à la nation qu'elle allait vivre en sûreté sous un tel prince et que de violents remèdes contre le mal ne seraient plus nécessaires. Soit par la magnificence de son propre caractère ou par avoir vu les mauvais effets de la parcimonie de son frère, le nouveau roi distribua ses récompenses avec une bonté démesurée ; il épuisa ainsi les deux millions que son père avait amassés et vida le coffre le plus plein de la chrétienté. Il avait été instruit avec un soin exceptionnel : son père ayant ordonné que lui et son frère aîné fussent bien instruits ; son frère le prince Arthur mourant à l'âge de onze ans, il devint héritier de la couronne.
Un des hommes les plus proéminents de ce siècle fut le cardinal Wolsey. Il était de basse origine, mais il était doué de grands talents et possédait une adresse étonnante à s'insinuer chez les grands. Il n'y avait pas longtemps qu'il avait été introduit au roi avant d'obtenir sur lui un entier ascendant ; pendant quinze ans il continua à être le plus grand favori jamais connu en Angleterre. Il vit que Henri était un grand amateur du plaisir et avait une grande aversion pour les affaires, aussi il entreprit de le débarrasser de la peine de gouverner et lui donner le loisir de suivre ses goûts. Cela fut la cause principale de l'influence sans borne que Wolsey acquit bientôt sur un souverain tout aussi ambitieux que lui.
Wolsey devint bientôt maître de tous les offices du pays et des traités à l'étranger, de sorte que les affaires allaient comme il le voulait. Il devint bientôt odieux aux parlements, et, en conséquence, il n'en essaya qu'un, quand les subsides accordés furent si modiques, qu'après cela il préféra se procurer de l'argent par le moyen d'emprunts et de bienveillances. Après un temps, il porta scandale par sa mauvaise vie, et fut une disgrâce à sa profession ; car il ne servit pas seulement le roi, mais il prit aussi part à ses plaisirs, et devint une proie aux maladies qui résultent d'une vie sensuelle. Il fut d'abord fait évêque de Tournay en Flandre, ensuite de Lincoln, après cela il fut promu au siège de York, et avait à la fois l'abbaye de St. Alban et l'évêché de Bath et de Wells en commande ; ce dernier il échangea après pour Durham ; à la mort de Fox il quitta Durham pour prendre Winchester ; et outre tout cela, le roi, par un don spécial, lui accorda le pouvoir de disposer de toutes les promotions ecclésiastiques en Angleterre. Il avait toutes les qualités requises pour un grand ministre et tous les vices communs à un grand favori.
L'immunité des ecclésiastiques pour crimes, jusqu'à ce qu'ils fussent dégradés par le pouvoir spirituel, causa la seule lutte qui arriva au commencement de ce règne entre les cours séculières et ecclésiastiques. Henry VII avait adopté une loi que les clercs trouvés coupables devaient être marqués au fer chaud dans la main. L'abbé de Winchelsea prêcha sévèrement 74
contre cela, comme étant contraire aux lois de Dieu et aux libertés de l'église. Après cela il publia un livre pour prouver que tous clercs, même des bas ordres, étant sacrés ne pouvaient être jugés par les cours temporelles. Les lords temporels et les communes désiraient, en conséquence, que le roi réprimât l'insolence du clergé. Dans ce but on appointa une audience devant sa majesté et les juges.
Le docteur Standish, un Franciscain, parla contre l'immunité, et prouva que de tout temps les clercs avaient été jugés par les cours en Angleterre ; et qu'il était nécessaire, pour la paix et la sûreté de la guerre humaine, que tous les criminels périssent. L'abbé maintint l'autre côté et dit que cela était contraire à un décret de l'église et un péché en soi. Standish répondit que tous les décrets n'étaient pas observés ; car, malgré le décret sur résidence, les évêques ne demeuraient pas aux cathédrales. Après avoir discuté le cas, les laïques furent d'opinion que le moine avait le dessus et ils poussèrent le roi et les évêques à ordonner au moine de prêcher un sermon de rétractation. Mais ils refusèrent, disant qu'ils étaient liés par serment de maintenir ses opinions. Standish fut à cause de cela détesté du clergé, mais l'affaire en resta là, le clergé l'emportant.
Peu de temps après cela Richard Hunne, marchand de Londres étant poursuivi par son curé dans la cour du légat, fut conseillé par ses amis de poursuivre le prêtre dans la cour civile pour citer un sujet du roi devant une barre étrangère et illégale. Cela exaspéra tellement le clergé qu'il trama sa destruction. C'est pourquoi, apprenant qu'il avait la bible de Wickliffe dans sa maison, il fut mis dans la prison de l'évêque pour hérésie ; mais étant examiné sur divers articles il confessa certaines choses et se recommanda à leur merci. Sur cela ils devaient, suivant la loi, lui avoir imposé pénitence et l'avoir déchargé ; mais ils ne purent le convaincre d'abandonner sa cause dans la cour civile ; une bonne nuit on lui cassa le cou avec une chaîne et il fut blessé dans d'autres parties du corps et puis on rapporta qu'il s'était pendu, mais l'enquête du procureur, en examinant le corps et par d'autres preuves surtout par la confession de l'huissier, donna comme verdict, qu'il avait été mis a mort par le chancelier de l'évêque, le Dr. Horsey et le sonneur de cloche. La cour spirituelle procéda contre le corps, et accusa Hunne de l'hérésie contenue dans la préface de Wickliffe à la Bible parce qu'elle avait été en sa possession ; il fut ainsi condamné comme hérétique et son corps fut brûlé.
L'indignation du peuple fut portée au plus haut degré par ces procédés dans lesquels tout le clergé fut impliqué et qu'ils ne regardaient plus comme leurs pasteurs mais comme des meurtriers barbares. Leur colère fut portée si loin que l'évêque de Londres se plaignit qu'il n'était pas sûr dans sa propre maison. Les évêques, le chancelier et le sergent furent mis en accusation comme chefs dans le meurtre. Au parlement on passa un acte pour rétablir les enfants de Hunne ; mais un bill envoyé par les communes concernant le meurtre fut rejeté par les lords où le clergé était en majorité. Le clergé regarda l'opposition faite par Standish comme ce qui avait causé la première poursuite contre Hunne ; et la convocation le cita pour répondre de sa conduite ; mais il réclama la protection du roi puisqu'il n'avait rien fait si ce n'est qu'il avait plaidé au nom du roi.
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Le clergé prétendit qu'il ne le poursuivait pas pour son plaidoyer, mais pour quelques-unes de ses conférences de théologie qui étaient contraires à la liberté de l'église que le roi était obligé de maintenir par son serment lors de son couronnement ; mais les lords temporels, les juges et les communes prièrent aussi le roi de maintenir les lois suivant son serment de couronnement et d'accorder à Standish sa protection. Le roi, étant en grande perplexité, demanda à Versey, ci-après évêque de Exeter, de déclarer sur sa conscience la vérité à ce sujet. Son opinion fut contre l’immunité ; ainsi une autre audience étant appointée, Standish fut accusé d'enseigner que - les ordres inférieurs n'étaient pas sacrés ; que leur exemption n'était pas fondée sur un droit divin, mais que les laïques pouvaient les punir ; que les canons de l'église ne les liaient pas jusqu'à leur consécration ; et que l'étude du droit canon était inutile.
De ces opinions, il en nia quelques-unes et justifia les autres. Veney étant requis de donner son opinion, allégua que les lois de l'église n'obligeaient que l’où elles étaient reçues ; ainsi l'exemption des clercs n'étant pas reçue n'était pas obligatoire en Angleterre. Les juges donnèrent comme leur opinion que ceux qui poursuivaient Standish avaient tort. Ainsi la cour fut dissoute. Mais dans une autre audience, en présence du parlement, le cardinal dit, au nom du clergé, que quoiqu'ils ne comptaient rien faire contre les prérogatives du roi, cependant faire le procès des clercs semblait contraire à la liberté de l'église, qu'ils étaient tenus par leurs serments de maintenir. Ainsi ils demandèrent que l'affaire fut référée au pape.
Le roi répondit qu'il croyait que Standish leur avait répondu suffisamment ; l'évêque de Winchester répondit qu'il ne voudrait pas se ranger à son opinion, à son risque. Standish demanda sur cela "Qu'est-ce qu'un pauvre moine peut faire contre le clergé d'Angleterre."
L'archevêque de Canterbury répondit, "Quelques-uns des pères de l'église ont souffert le martyre à ce sujet" mais le juge en chef répondit, "plusieurs saints rois ont maintenu cette loi, et plusieurs saints évêques lui ont obéi." En conclusion, le roi déclara qu'il maintiendrait ses droits et ne les soumettrait pas aux décrets de l'église, autrement que n'avaient fait ses ancêtres.
Horsey fut assigné de paraître dans son procès pour le meurtre de Hunne ; et comme il plaida non coupable, aucun témoin ne fut amené et il fut déchargé. Le mécontentement du peuple s'accrut par cela, et beaucoup de choses les préparèrent à renverser la tyrannie ecclésiastique.
Ce fut le premier trouble dans ce règne jusqu'à ce que le procès pour le divorce commença.
Dans tous les autres points il était constamment dans les bonnes grâces du pape, qui lui envoya les compliments ordinaires des roses et telle autre bagatelle par lesquelles ce siècle traita les princes si longtemps comme des enfants. Mais aucune faveur ne flatta davantage la vanité du roi comme le titre de "défenseur de la foi" que lui envoya le pape Léon pour le livre qu'il avait écrit contre Luther. Ce livre, outre le titre ci-dessus, attira sur le roi tout ce que la flatterie pouvait inventer pour l'exalter ; tandis que Luther, nullement intimidé pas un tel antagoniste, y répondit et traita Henri avec aussi peu de respect dû à un roi que ses flatteurs en avaient trop montré. La traduction du Nouveau Testament par Tyndale, avec notes, attira sur elle une sévère condamnation du clergé, qui désirait cacher ce livre au peuple. Cela montre l'état des affaires dans l'église et dans l'État, quand le procès du divorce du roi fut d'abord commencé.
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De cet évènement commença la fortune de Cranmer et la chute de Wolsey. Le grand sceau fut ôté à celui-ci et donné à Sir Thomas More ; et il fut poursuivi pour avoir tenu des cours de légat par une autorité étrangère aux lois d'Angleterre. Wolsey se reconnut coupable de l'acte d'accusation et se soumit au bon vouloir du roi ; ainsi on passa jugement sur lui, et son magnifique palais et ses meubles furent saisis pour l'usage du roi. Toutefois le roi lui remit les revenus temporels des sièges de York et de Winchester, et plus de £6000 en vaisselle et autres objets ; ce qui le transporta tellement que l'on dit qu'il tomba à genoux dans un chenil devant le messager qui lui apporta les nouvelles.
Des chefs d'accusations furent portés contre lui dans la chambre des lords pour obtenir un bill pour haute trahison, où il n'avait que peu d'amis ; dans la chambre des communes, Cromwell, qui avait été son secrétaire, conduisit si bien l'affaire, qu'il se réduisit à rien. Cela ayant échoué, ses ennemis le firent envoyer à, Yorkshire ; il y alla en grande pompe avec 162
chevaux et 72 voitures dans sa suite et il y demeura quelque temps. Mais le roi étant informé qu'il concertait avec le pape et l'empereur, il envoya le comte de Northumberland pour l'arrêter pour haute trahison et l'amener à Londres. En chemin il tomba, malade et mourut à Leicester, faisant de grandes protestations de constante fidélité au roi, particulièrement dans l'affaire du divorce ; et désirant d'avoir servi Dieu aussi fidèlement qu'il avait servi le roi, car alors il ne l'aurait pas rejeté dans sa vieillesse ; mots sur lesquels les favoris en baisse ont coutume de réfléchir dans l'adversité, quoique rarement ils s'en souviennent au comble de leur bonne fortune.
L'archevêché de Canterbury étant devenu vacant par le décès de Warham, Cranmer qui était alors en Allemagne, fut choisi par le roi pour son successeur ; il lui envoya donc un mot pour lui faire hâter son retour. Mais une telle promotion n'eut pas sur lui son effet ordinaire ; il avait une juste appréciation d'une si grande charge, et, au lieu d'y aspirer, il en avait peur ; il s'en revint donc bien lentement en Angleterre, et essaya d'être excusé de la promotion. On envoya chercher des bulles à Rome pour sa consécration que le pape accorda. Le 13 mars, Cranmer fut consacré par les évêques de Lincoln, Exeter et St. Asaph. Le serment fait au pape était difficile à digérer à quelqu'un "presque persuadé" d'être protestant ; il fit donc une protestation avant de le prêter disant qu'il ne se considérait pas lié par là, en quelque chose contraire à son devoir envers Dieu, son roi ou son pays ; et il répéta cela en le prenant.
La convocation avait à cette époque deux questions devant elle ; la première concernant la légalité du mariage du roi, et la validité de la dispense du pape ; l'autre était une curieuse question de fait, savoir si le prince Arthur avait consommé le mariage. Pour la première, le jugement de dix-neuf universités fut lu ; et après un long débat car il n'y avait que vingt-trois membres dans la chambre basse, dont quatorze étaient contre le mariage, sept en sa faveur et deux douteux. Dans la chambre haute, Stokesly, évêque de Londres et Fisher, évêque de Rochester maintinrent le débat longtemps, l'un pour l'affirmatif et l'autre pour le négatif. Enfin elle fut emportée sans opposition contre le mariage, 216 étant présents. L'autre question fut référée au canonistes ; et tous, excepté cinq ou six, rapportèrent que les présomptions étaient 77
bien fortes ; et celles-ci dans une affaire où il n'y avait pas de preuves claires furent toujours reçues comme légalement conclusives.
La convocation ayant donné son jugement sur la question, la cérémonie de prononcer le divorce juridiquement étant la seule chose qui manquait. On rapporta que la nouvelle reine était dans une condition avantageuse pour la monarchie future. La veille de Pâques elle fut déclarée reine d'Angleterre et bientôt après Cramner avec Gardiner qui avait succédé à Wolsey comme évêque de Winchester, et les évêques de Londres, Lincoln, Bath et Wells avec plusieurs théologiens et canonistes se rendirent à Dunstable ; la reine Catherine demeurant près de là à Ampthill. Le roi et la reine furent cités ; il parut par procuration, mais la reine refusa de faire aucun cas de la cour ; ainsi, après trois citations, elle fut déclarée contumace et tous les mérites de la cause mentionnés auparavant furent examinés. Enfin, le 23 mai, la sentence fut rendue, déclarant le mariage avoir été nul depuis le commencement.
A Rome les cardinaux de la faction impériale se plaignirent de l'effort fait contre le pouvoir papal et le prièrent d'appliquer la censure. Mais il n'y eut que la sentence de donnée, annulant tout ce que l'archevêque de Canterbury avait fait ; et le roi fut requis, sous peine d'excommunication de placer les choses comme elles l'étaient autrefois ; ce décret fut apporté à Dunkirk pour publication. Le roi envoya une grande ambassade au monarque français qui était alors à se préparer pour aller rencontrer le pape ; ils devaient le détourner de son voyage, à moins que le pape ne donnât satisfaction au roi. François dit qu'il était engagé en honneur de continuer, mais il leur assura qu'il s'occuperait des intérêts du roi avec autant de zèle que si c'était les siennes. Dans le mois de septembre la reine mis au monde une fille, la célèbre Élisabeth ; et le roi ayant déjà déclaré Lady Mary princesse de Galles, fit la même chose pour l'infante ; quoique après un fils pût l'en exclure, elle ne pouvait pas être héritière nécessaire mais seulement héritière présomptive de la couronne. Le moment mémorable approchait quand un incident aurait lieu qui causerait la séparation de l'Angleterre de l'église de Rome.
Il y avait une entente secrète entre le pape et François que si Henri voulait remettre sa cause au consistoire, exceptant seulement les cardinaux de la faction impériale, comme partiale et en toutes autres choses se soumettre au siège de Rome, le jugement serait rendu en sa faveur. Quand François retourna à Paris, il envoya l'évêque de cette ville au roi pour lui dire ce qu'il avait obtenu du pape en sa faveur et les conditions sur lesquelles c'était promis.
Cela toucha tellement le roi qu'il y consentit ; sur cela l'évêque de Paris quoiqu'on fut au milieu de l'hiver, alla à Rome avec les bonnes nouvelles.
A son arrivée, l'affaire parut arrangée ; car il était promis que quand le roi enverrait son consentement, de sa main, de remettre les choses dans leur premier état et se faisant représenter par procuration, des juges seraient envoyés à Cambray pour instruire le procès et que la sentence serait passée. Sur avis donné de cela et d'un jour qui était fixé à l'avance pour le retour du courrier, le roi l'expédia avec toute diligence possible ; et maintenant l'affaire paraissait terminée. Mais le courrier avait la mer et les Alpes à passer, et en hiver il n'était pas 78
facile d'observer un jour limité si exactement. Le jour fixé arriva, et le courrier n'arriva pas ; sur cela les impérialistes déclarèrent que le roi abusait de la bonté du pape et le pressèrent beaucoup de procéder à donner sentence, l'évêque de Paris demandant seulement un délai de six jours. Le but des impérialistes était d'empêcher une réconciliation ; car si le roi avait été mis en bon terme avec le pape il y aurait eu une si puissante ligne de formée contre l'empereur qui aurait frustré toutes ses mesures et il était donc nécessaire pour sa politique de les brouiller.
Séduit par l'artifice de ce prince intrigant le pape, sans consulter sa prudence ordinaire, amena l'affaire devant le consistoire ; et là les impérialistes étant en majorité, elle fut poussée avant tant de précipitation, qu'ils firent en un jour ce que, suivant la forme, aurait dû se prolonger au moins trois.
Ils passèrent la sentence finale, déclarèrent le mariage du roi avec la reine Catherine valide et l'obligèrent à vivre avec elle comme sa femme, autrement ils procèderaient aux censures.
Deux jours après cela, le courrier vint avec la soumission du roi en forme voulue ; il apporta aussi des lettres pressantes de François en faveur du roi. Cela affecta les cardinaux indifférents aussi bien que ceux de la faction française de sorte qu'ils prièrent le pape de révoquer ce qui avait été fait. On appela un nouveau consistoire, mais les impérialistes déclarèrent, avec une plus grande véhémence que jamais qu'ils ne causeraient pas un tel scandale au monde que de révoquer une sentence définitive de la validité d'un mariage, et donner aux hérétiques un tel avantage par leur inconstance ; il fut donc décidé que la sentence première serait maintenue, et que l'exécution en serait remise à l'empereur. Quand ceci fut connu en Angleterre le roi se détermina de secouer le joug du pape, résolution dans laquelle il avait fait de si grands progrès que le parlement avait passé tous les actes y concernant avant de recevoir la nouvelle de Rome
; car il jugeait que la meilleure manière de s'assurer son cas était de montrer à Rome son pouvoir, et avec quelle vigueur il pouvait faire la guerre. Tout le reste du monde regardait avec étonnement la cour de Rome rejeter l'Angleterre, comme si elle eut été fatiguée de son obéissance et des profits d'un si grand royaume.
Plusieurs sièges, comme Ravenne, Milan, Aquilée prétendaient d'être affranchis de l'autorité papale. Plusieurs évêques anglais avaient affirmé que les papes n'avaient pas d'autorité contre les canons et jusqu'à ce jour aucun canon fait par le pape n'était en force jusqu'à ce qu'il fut reçu, ce qui montrait que l'autorité du pape n'était pas acceptée comme fondée sur l'autorité divine ; et comme les lois leur avaient donné quelque pouvoir et que les princes avaient été forcés dans les siècles d'ignorance de se soumettre à leurs usurpations, ainsi ils pouvaient, quand ils en avaient cause, changer ces lois et reprendre leurs droits.
Le point suivant examiné fut l'autorité qu'ont les rois en matière de religion et de l'église.
Dans le Nouveau Testament, Christ lui-même était sujet au pouvoir civil et commanda à ses disciples de ne pas s'arroger de pouvoir temporel. Les apôtres écrivirent aussi aux églises d'être soumises aux pouvoirs supérieurs, et de les appeler suprêmes ; ils commandèrent à toute personne de leur être soumise. Dans l'Écriture le roi est appelé la tête et suprême, et toute âme et toute personne lui est dit-on soumise, ce qui joint aux autres parties de leur sage argument, 79
amenèrent les personnes sensées d'alors à la conclusion qu'il est le chef suprême sur toutes personnes. Dans l'église primitive les évêques ne faisaient que des règlements ou des canons, mais ne prétendaient à aucune autorité coercitive que celle qui provenait du magistrat civil.
Dans l'ensemble, ils conclurent que le roi avait un pouvoir complet sur tous ses sujets, qui s'étendait au règlement des affaires ecclésiastiques. Ces questions étant discutées au long dans plusieurs débats et publiées dans plusieurs livres, tous les évêques, abbés et moines d'Angleterre, à l'exception de Fisher, en furent suffisamment satisfaits qu'ils résolurent de se soumettre aux changements, que le roi avait décidé de faire.
A l'assemblée suivante du parlement il n'y avait que sept évêques et douze abbés de présents ; le reste, parait-il, ne voulurent pas concourir à faire le changement, quoiqu'ils s'y soumissent quand il fut fait. Tous les dimanches pendant la session un évêque prêcha à St.
Paul, et déclara que le pape n'avait aucune autorité en Angleterre ; avant cela, ils avaient seulement dit qu'un concile général était au-dessus de lui, et que les exactions de cette cour et les appels à elle, étaient défendus ; mais maintenant ils firent un pas de plus pour préparer le peuple à recevoir les mesures agitées.
Le 9 de Mars les communes commencèrent le bill pour retrancher le pouvoir du pape, et l'envoyèrent aux lords le 14, qui le passèrent le 20 sans aucune opposition. Ils y montrèrent l'exaction de la cour de Rome établie sur le pouvoir d'exemption du pape ; et que comme personne ne pouvait se soustraire aux lois de Dieu, ainsi le roi et le parlement seuls avaient l'autorité de se soustraire aux lois du pays ; c'est pourquoi, de telles licences comme celles dont on se servait autrefois devraient pour le futur être accordées par les deux archevêques et confirmées par le grand sceau. Il fut, de plus, décidé que ci-après tout commerce avec Rome devrait cesser. Ils déclarèrent aussi qu'ils n'avaient pas l'intention de changer aucun article de foi catholique de la chrétienté, ou de ce qui était déclaré nécessaire au salut dans les Écritures.
Ils confirmèrent toutes les exemptions accordées aux monastères par les papes, mais les soumirent à la visite du roi, et donnèrent au roi et à son conseil le pouvoir d'examiner et de réformer toute indulgence et privilège accordés par le pape. Cet acte soumettait les monastères complètement à l'autorité du roi. Ceux qui aimaient la reforme se réjouissaient de voir le pouvoir du pape déraciné et les Écritures établies comme règle de foi.
Après cet acte, un autre fut passé dans les deux chambres dans l'espace de six jours, sans aucune opposition, établissant la succession de la couronne, confirmant la sentence du divorce, et le mariage du roi avec la reine Anne ; et déclarant tous les mariages compris dans les degrés prohibés par Moïse être illicites ; tous ceux qui avaient été mariés dans ces degrés devaient être dévoués et les enfants rendus illégitimes ; et la succession à la couronne fut établie sur les enfants du roi par la présente reine, ou à défaut de cela à l'héritier direct du roi à toujours. Tous furent requis de maintenir le contenu de cet acte ; et s'ils refusaient le serment ou disaient quelque chose pour calomnier le mariage du roi, ils devaient être jugés coupable de trahison et punis en conséquence.
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La convocation envoya en même temps une soumission par laquelle ils reconnaissaient que toutes convocations devraient être assemblées par une ordonnance du roi ; et promirent, sur leur parole de prêtres, de ne jamais faire ou exécuter aucun canon sans le consentement du roi. Ils désiraient aussi, que, puisque plusieurs des canons reçus étaient contraires à la prérogative du roi et aux lois du pays, il y eut un comité de nommé par le roi de trente-deux, dont la moitié fut formée des chambres du parlement, et l'autre du clergé ayant le pouvoir de les abroger ou de les régler comme ils le jugeraient à propos. Ceci fut confirmé en parlement et l'acte contre l'appel à Rome fut renouvelé ; un appel fut aussi permis de l'archevêque au roi, par lequel le grand chancelier devait accorder une commission pour une cour de délégués.
Un autre acte fut passé pour régler l'élection et la consécration des évêques ; condamnant toute bulle de Rome et décidant que, quand une place devient vacante, le roi accorde une licence pour une élection, et devrait par une lettre missive, désigner la personne qu'il désire être choisie ; et dans l'espace de douze jours après avoir été délivrée le doyen et son chapitre ou le prieur et son couvent étaient requis de rapporter l'élection de la personne nommée par le roi portant leur sceau. Là-dessus l'évêque élu devait jurer fidélité et une ordonnance devait être émise pour sa consécration de la manière habituelle ; après cela il devait rendre hommage au roi, après quoi les revenus temporels et spirituels lui étaient remis et les évêques pouvaient exercer leur juridiction comme ils l'avaient fait auparavant. Un acte privé fut aussi passé privant le cardinal Campeggio et Jérôme de Gainuccii des évêchés de Salisbury et de Worcester ; la raison donnée était qu'ils ne demeuraient pas dans leurs diocèses mais vivaient à la cour de Rome et retiraient £3000 par année du royaume.
En hiver le parlement siégea encore, et le premier acte passé déclara le roi le chef suprême de l'église d'Angleterre sur la terre, ce qui fut ordonné de préfixer à ses autres titres ; et il fut arrêté que lui et ses successeurs auraient plein pouvoir de réformer toutes les hérésies et abus dans la juridiction spirituelle. Par un autre acte, le parlement confirma le serment de succession. Ils donnèrent aussi au roi les annates et les dîmes des bénéfices ecclésiastiques, étant le chef suprême de l'église ; car le roi étant mis à la place du pape, on pensa raisonnable de lui donner ce que les papes avaient exigé autrefois.
Un autre acte fut passé déclarant certaines choses trahison ; une d'entre elles était de refuser au roi aucun de ses titres ou l'appeler un hérétique, schismatique ou usurpateur de la couronne.
Par un autre acte, on pourvut à nommer vingt-six évêques suffragants en Angleterre pour l'administration plus expéditive des sacrements et un meilleur service divin. Le suprême diocésain devait présenter deux noms au roi, et sur la déclaration de son choix, l'archevêque devait consacrer la personne, et alors l'évêque devait déléguer telles parties de sa charge à ses soins comme il le trouvait à propos et qui devait continuer à son bon plaisir. La grande étendue des diocèses d'Angleterre faisait qu'il était difficile à un seul évêque de les gouverner ; ceux-ci furent donc, appointés pour les assister.
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Mais maintenant commença une nouvelle scène ; avant d'y entrer il est nécessaire de raconter les progrès que les nouvelles opinions avaient faits en Angleterre pendant le procès du roi pour divorce. Pendant que Wolsey était ministre, les prédicateurs réformés furent traités avec douceur ; et il est probable que le roi, quand le pape commença à le maltraiter, ordonna aux évêques de cesser de s'en occuper, car le progrès de l'hérésie fut toujours regardé à Rome comme parmi les maux qui résulteraient du rejet de la demande du roi.
Mais Sir Thomas More venant en faveur, pensa que le roi agissant sévèrement contre les hérétiques cela serait si méritoire à Rome qu'il serait plus efficace que tout ce que ses menaces avaient fait. Là-dessus on fit une sévère proclamation contre leurs livres et leurs personnes, commandant que toutes les lois contre eux fussent mises à exécution. Tyndale et d'autres à Anvers traduisaient ou écrivaient des livres chaque année contre quelques-unes des erreurs reçues et les envoyaient en Angleterre ; mais sa traduction du Nouveau Testament causa la plus grande plaie et le clergé s'en plaignit beaucoup comme remplie de fautes. Tonstal, alors évêque de Londres, étant un homme de grand savoir, revenant du traité de Cambray, comme il passait à Anvers contacta avec un marchand anglais qui était secrètement un ami de Tyndale, pour lui procurer autant de ses Testaments qu'il pourrait en avoir pour de l'argent.
Tyndale apprit cela avec plaisir ; car étant occupé à une édition plus correcte il trouva qu'il pourrait plus facilement procéder si les copies de la vieille étaient vendues ; il donna donc au marchand tout ce qu'il avait et Tonstal après eu avoir payé le prix les apporta en Angleterre et les brûla à Cheapside. Ceci fut appelé brûler la parole de Dieu ; et l'on dit que le clergé avait raison de se venger sur elle car elle leur avait fait plus de mal que n'importe quel autre livre.
Mais une année après, la seconde édition étant finie, un grand nombre fut envoyé en Angleterre quand il arriva que Constantin, un des associés de Tyndale, fut pris ; croyant que quelques-uns des marchands de Londres leur fournissaient de l'argent, on lui promit sa liberté s'il voulait découvrir qui ils étaient ; quand il leur dit que l'évêque de Londres avait fait plus que tout le monde ensemble car il avait acheté la plus grande partie de l'édition défectueuse.
Le clergé en condamnant la traduction de Tyndale en promit une nouvelle ; mais un an après ils dirent qu'il était inutile de publier l'Écriture en Anglais, et que le roi faisait bien de ne pas l'entreprendre.
La plume étant un moyeu trop doux, le clergé se mit à la persécution. Plusieurs furent emprisonnés pour enseigner à leurs enfants la Prière Dominicale en anglais, pour recevoir les prédicateurs et pour parler contre la corruption dans le culte ou les vices du clergé ; mais ceux-ci abjuraient ordinairement et se sauvaient de la mort. D'autres, plus fidèles furent honorés par le martyre. Un Hinton, autrefois curé, qui s'était rangé du côté de Tyndale fut arrêté en revenant avec des livres qu'il apportait en Angleterre et fut condamné par l'archevêque Warham. Il fut gardé longtemps en prison ; mais demeurant ferme à sa cause, il fut brûlé à Maidstone.
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Martyre de Thomas Bilney.
Mais le plus remarquable martyr de ce jour fut Thomas Bilney qui fut élevé à Cambridge depuis son enfance et devint un hardi et inflexible réformateur. En laissant l'université, il alla dans plusieurs endroits et prêcha ; et dans ses sermons parla. avec une grande hardiesse contre l'orgueil et l'insolence du clergé. Ceci eut lieu pendant le ministère de Wolsey qui le fut arrêter et emprisonner. Surmonté par la peur, Bilney abjura, fut pardonné et retourna à Cambridge en l'an 1530. Ici, il fut saisi d'une profonde horreur parce qu'il avait renié la vérité. Il eut honte de lui-même, se repentit amèrement de son péché et devenant plus fort dans la foi, il résolut de faire une expiation par un aveu public de son apostasie et une confession de ses sentiments.
Pour se préparer lui-même pour sa tâche, il étudia les Écritures avec une grande attention pendant deux ans ; à l'expiration de ce temps il quitta de nouveau l'université et se rendit à Norfolk où il était né et il prêcha dans tout ce pays contre l'idolâtrie et la superstition ; exhortant le peuple à se bien conduire, à donner l'aumône, à croire en Christ et à lui offrir leurs âmes et leurs volontés dans le sacrement. Il confessa ouvertement son péché d'avoir renié sa foi ; et ne prenant aucune précaution quand il voyageait, fut bientôt pris par les officiers de l'évêque, condamné comme récidif et dégradé. Sir Thomas Moro non seulement envoya un mandat d'arrêt pour le brûler, mais pour le faire souffrir d'une autre manière affirma qu'il avait abjuré ; mais aucun papier signé par lui ne fut jamais montré et l'on ne saurait croire les prêtres qui rapportèrent qu'il le fit de bouche. Parker, devenu après archevêque, fut un témoin oculaire de ses souffrances. Il supporta toutes ses privations avec un grand courage et résignation, et continua à être joyeux après sa sentence. Il mangea les pauvres provisions qui lui furent apportées avec appétit, disant qu'il lui fallait garder avec soin la cabane en ruine jusqu'à ce qu'elle tombât. Il avait les paroles d'Ésaïe souvent à la bouche.
"Quand tu marcheras par le feu, tu ne seras pas brûlé;" et en se brûlant le doigt à la chandelle, il se préparait pour le feu et il disait qu'il ne consumerait que l'enveloppe de son corps, tandis qu'il purifierait son âme et la transporterait plus vite à la région où Élisée fut porté par un autre chariot de feu.
Le 10 novembre il fut amené au bûcher où il répéta sa confession de foi, comme preuve qu'il était un vrai chrétien. Il offrit alors d'une manière touchante cette prière-ci ; "N'entre pas en jugement avec ton serviteur, Ô Eternel, car aucune chair vivante ne saurait être justifiée devant tes yeux." Le docteur Warner l'embrassa, répandant beaucoup de larmes, et souhaitant de mourir dans une aussi bonne disposition qu'était celle de Bilney. Les moines le prièrent d'informer le peuple qu'ils n'étaient pas les instruments de sa mort ; ce qu'il fit, de sorte que le dernier acte de sa vie fut plein de charité, même pour ceux qui le mirent à mort.
Les officiers placèrent alors les roseaux et les fagots autour de son corps et mirent le feu à ceux-là qui firent une grande flamme et lui défigurèrent le visage ; il leva les mains et se frappa la poitrine, s'écriant parfois, "Jésus" parfois, " Creda!" Mais la flamme fut emportée 83
loin de lui à plusieurs reprises, le vent étant très grand, jusqu'à ce qu'enfin le bois prenant feu la flamme s'agrandit et il rendit son esprit à Dieu qui le donna.
Comme son corps se rapetissait il se plia sur sa chaîne jusqu'à ce qu'un des officiers fit sauter la crampe de la chaîne derrière lui avec sa hallebarde et alors il tomba au milieu du feu et ils pilèrent du bois sur lui et le consumèrent. Les souffrances, la confession, et la mort héroïque de ce martyr inspirèrent et animèrent d'autres personnes à montrer un égal courage.
Histoire et Martyre de Frith.
Frith était un jeune homme renommé pour son éducation, et le premier en Angleterre qui écrivit contre la présence corporelle dans le sacrement. Sir Thomas More répondit à son livre
; mais Frith ne vit jamais sa publication jusqu'à ce qu'il fut en prison ; et alors, quoique chargé de chaînes et privé de livres il y répondit.
Pour ces offenses il fut saisi en mai, 1533, et accusé de ne pas croire au purgatoire et à la transsubstantiation. Il donna les raisons qui l'avaient déterminé à considérer ni l'un ni l'autre comme articles de foi. Les évêques semblaient peu désireux de prononcer la sentence, mais lui continuant résolu, Stokesley la prononça et le livra au pouvoir séculier, désirant en même temps que sa punition fut modérée ; recommandation hypocrite qui ne trompa personne. Frith avec un compagnon martyr nommé Hewitt, fut mené au bûcher à Smithfield le 4 juillet, 1533.
En y arrivant il exprima une grande joie et même il embrassa les fagots. Un prêtre nommé Cook, qui se tenait près, dit au peuple de ne pas plus prier pour eux que pour un chien. En entendant cela, Frith souria et dit, "Que Dieu te pardonne." Le feu fut allumé, et les martyrs réduits en cendres.
Martyre de Jean Lambert.
Jean Lambert, maître de langues à Londres, qui avait préparé dix arguments contre les dogmes du Dr. Taylor sur le sujet ci-dessus, tels qu'annoncés dans un sermon fait à l'église St.
Pierre et les présenta au docteur, fut amené devant la cour de l'archevêque pour défendre ses écrits. En ayant appelé au roi, le théologien royal, qui était fier de montrer ses talents et son savoir, résolut de l'entendre en personne. Il publia donc une commission, commandant à la noblesse et aux évêques de se rendre à Londres pour l'assister contre les hérétiques.
Un jour fut appointé pour la controverse, quand un grand nombre de personnes de tous rangs s'assembla et Lambert fut tiré de sa prison par un garde et placé directement vis-à-vis du roi. Henri étant assis sur son trône, regarda le prisonnier avec un visage sévère et commanda alors à Day, évêque de Chichester d'expliquer la raison de la présente assemblée.
L'évêque fit un long discours, disant que quoique le roi avait aboli l'autorité papale en Angleterre, on ne devait pas supposer qu'il permettrait aux hérétiques de déranger et troubler, sans impunité, l'église dont il était le chef. Il avait donc déterminé de punir tous les schismatiques et voulant avoir l'avis de ses évêques et de ses conseillers dans une si grande occasion, ils les avaient assemblés pour entendre les divers arguments dans le cas actuel.
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Le discours étant terminé, le roi ordonna à Lambert de déclarer son opinion quant au sacrement de la cène du Seigneur ; ce qu'il fit en niant que c'était le corps de Christ. Le roi commanda alors à Cranmer de réfuter son assertion, ce qu'il essaya de faire ; mais il fut interrompu par Gardiner qui s'interposa avec véhémence et étant incapable d'avancer un argument en sa faveur, essaya par des abus virulents de renverser son antagoniste. Tonstal et Stokesly les suivirent de la même façon ; et Lambert commençant à leur répondre, fut commandé de se taire par le roi. Les autres évêques firent chacun un discours en réfutation d'un des arguments de Lambert, jusqu'à ce que tous les dix eussent répondu ou plutôt raillé ; car il ne lui fut pas permis de les défendre quoique faussement représentés.
Enfin, quand le jour fut passé, et que les torches commencèrent à être allumées, le roi désireux de terminer cette prétendue controverse dit à Lambert, "Que dis-tu maintenant, après ces grands travaux que tu as pris sur toi et toutes les raisons et l'enseignement de ces savants
? N'es-tu pas satisfait ? Veux-tu vivre ou mourir ? Qu'en dis-tu ? Tu as encore le libre choix."
Lambert répondit, "Je me soumets entièrement à la volonté de votre majesté." Alors, dit le roi, " remets-toi entre les mains de Dieu et non entre les miennes.
Lambert répondit, "Je remets mon âme entre les mains de Dieu, mais mon corps je remets et soumets à votre clémence." Le roi lui répondit, "Si tu t'en remets à mon jugement tu dois mourir car je ne saurais être le patron des hérétiques ;" et se tournant vers Cromwell, et dit,
"Lis la sentence de sa condamnation" ce qu'il fit.
Le jour fixé pour que le saint martyr souffrit, il fut amené de la prison à huit heures du matin à la maison de Cromwell, où, dit-on, Cromwell désirait son pardon pour ce qu'il avait fait. Lambert étant enfin averti que l'heure de sa mort approchait, et étant amené dans la salle, salua les messieurs présents et s'assit pour déjeuner avec eux ne montrant ni tristesse ni crainte. Quand le déjeuner fut fini, il fut mené directement au lieu de l'exécution à Smithfield.
Le mode de son supplice fut terrible ; car après que ses jambes furent brûlés jusqu'aux moignons, et qu'un petit feu fut laissé sous lui, deux monstres barbares qui se tenaient à chaque côté de lui, le percèrent avec leurs hallebardes, et le soulevèrent aussi haut que la chaîne pouvait aller ; tandis que lui, élevant ses mains à demi consumées cria au peuple ces mots :
"Nul autre que Christ, nul autre que Christ !" et ainsi, leurs hallebardes étant retirées, il tomba dans le feu et y termina sa vie.
Le parti papal triompha grandement à cet évènement, et essaya d'en profiter. Ils persuadèrent au roi que cela aurait un bon effet sur son peuple, qui y verrait son zèle pour la foi ; et ils n'oublièrent pas de magnifier tout ce qu'il avait dit comme paroles d'oracles ce qui le montrait être le "Défenseur de la foi et le chef suprême de l'Église. Tout ceci affecta tellement le roi qu'il résolut de rassembler le parlement dans le but contradictoire de supprimer les monastères qui restaient et de supprimer les nouvelles opinions."
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Souffrances et Martyre du Dr. Robert Barnes.
Le Dr. Barnes fut instruit à l'université de Louvain, en Brabant. A son retour en Angleterre il alla à Cambridge où il fut fait prieur de l'ordre des Augustins et intendant de leur collège.
L'ignorance la plus profonde régnait dans l'université, excepté dans le cas de quelques personnes dont le savoir était inconnu au reste. Le Dr. Barnes, désireux d'augmenter la science et de répandre la vérité, commença bientôt à instruire les étudiants dans les langues classiques et avec l'aide de Parnel, il fit bientôt fleurir le savoir et l'université présenta un différent aspect.
Ces bases étant posées, il commença à expliquer publiquement les épîtres de St. Paul, et à enseigner la doctrine de Christ en plus grande pureté. Il prêcha et discuta avec ardeur contre le luxe du haut clergé, particulièrement contre le cardinal Wolsey, et la lamentable hypocrisie du temps. Mais cependant il demeura ignorant de la grande cause de ces maux, à savoir, l'idolâtrie et la superstition de l'église ; et pendant qu'il décriait le courant il but à la source et la fit couler pour d'autres. Enfin, ayant fait connaissance avec Bilney, il fut converti à Christ.
Dans le premier sermon réformé qu'il prêcha il commenta l'évangile du jour, suivant l'Écriture et l'exposition de Luther. Pour ce sermon il fut accusé d'hérésie par deux agrégés du King's Hall. Le Dr. Nottoris, un ennemi acharné de Christ lui proposa de se rétracter ; mais il refusa comme cela paraît dans son livre qu'il écrivit au roi Henri réfutant le jugement du Cardinal Wolsey et le reste des évêques romains. Ils continuèrent à Cambridge, l'un prêchant contre l'autre jusqu'à six jours avant le carnaval, quand soudainement, un sergent fut envoyé pour l'arrêter. Le mercredi il arriva à Londres et logea à la maison de Parnel. Le jour suivant il fut mené devant le Cardinal Wolsey à Westminster, et causa avec lui dans sa, chambre d'État se tenant à genoux.
"Quoi, M. le docteur," lui dit Wolsey," n'avez-vous pas assez de place dans les Écritures pour enseigner le peuple sans que mes souliers en or, mes haches d'armes, mes colonnes, mes coussins, mes croix vous offensent et que vous me rendiez ridicule parmi le peuple qui aujourd'hui se moque de nous. Vraiment c'était un sermon plus convenable à prêcher sur le théâtre que dans la chaire ; car à la fin vous avez dit que je porte une paire de gants rouges, je devrais dire des gants ensanglantés disiez-vous pour que je n'ai pas froid dans mes cérémonies." A cette moquerie le Dr. Barnes répondit, "Je ne dis rien que la vérité tirée des Écritures, suivant ma conscience et suivant les anciens docteurs." Il lui remit alors six feuilles de papier écrites, pour corroborer ses assertions.
Le cardinal les reçut en riant, disant. "Nous apercevons que vous avez l'intention de maintenir vos articles et de montrer votre savoir." Barnes lui répondit, oui, j'en ai l'intention, avec la grâce de Dieu et la permission de votre grandeur." Le cardinal se fâcha et dit, "Des gens tels que vous sont peu disposés à notre égard et encore moins envers l'église catholique.
Je vous demanderai si vous pensez plus nécessaire que j'aie toute cette royauté, parce que je représente la majesté du roi dans toutes les hautes cours de ce royaume ou d'être aussi simple que vous le désirez, de vendre toutes ces choses et les donner aux pauvres qui bientôt après 86
les jetteraient dans la boue ; et de faire disparaître cette dignité princière qui est en terreur au méchant et suivre votre conseil ?"
"Je crois," dit Barnes, qu'on doit les vendre et les donner aux pauvre'. Tout ceci ne convient pas à votre état ; et la majesté du roi n'est pas maintenu par votre pompe et vos haches d'armes, mais par Dieu qui dit "Les rois règnent par moi." Se tournant vers ceux de sa suite le cardinal dit satiriquement : "Voyez maîtres docteurs, il est l'homme instruit et sage que vous m'avez dit !" Alors ils s'agenouillèrent et dirent, "Nous désirons que votre grâce soit charitable à son égard, car il se réformera." Le cardinal dit avec douceur, "Levez-vous ; pour l'amour de vous et de l'université nous lui serons favorable." Se tournant vers Barnes, il ajouta, "Qu'en dites-vous, maître docteur ; ne savez-vous pas que je suis capable de décider en toutes matières qui concerne la religion dans ce royaume, comme le pape lui-même ? "Barnes répondit candidement, "Je sais qu'il en est ainsi..."
Le cardinal lui demanda alors, "Vous laissez-vous conduire par nous ? et nous ferons tout pour votre avantage et celui de l'université." Barnes répondit, "Je remercie votre grâce de votre bonne volonté ; je vais m'attacher aux Saintes-Écritures, comme étant le livre de Dieu,'
suivant le simple talent que Dieu m'a donné." Le cardinal termina le dialogue en disant, "Eh bien, tu auras ton savoir essayé jusqu'au bout et tu auras la loi."
Le lendemain matin il fut amené par le sergent dans le lieu du chapitre, devant les évêques, et Islip, l'abbé de Westminster. Ceux-ci demandèrent au sergent quel était son message. Il dit qu'il avait amené le Dr. Barnes accusé d'hérésie, et il présenta à la fois ses articles et ses accusateurs. On demanda au Dr. Rames s'il voulait souscrire à ses articles ? Il y souscrivit volontiers, et il fut envoyé avec le jeune Parnel à la prison Fleet.
Le samedi suivant il fut de nouveau amené devant eux dans le lieu du chapitre. Après une longue contestation, ils lui demandèrent s'il voulait abjurer ou être brûlé. Il fut bien agité et se sentit plutôt incliné à brûler qu'à abjurer. Mais il eut encore le conseil de Gardiner et Fox qui le persuadèrent d'abjurer, parce que, disaient-ils, il pourrait pour le futur garder le silence ; donnant d'autres raisons pour sauver sa vie et arrêter son hérésie. Sur cela, s'agenouillant, il consentit à abjurer ; cependant ils consentirent à peine de le recevoir dans le sein de l'église, comme il l'appelait. Alors ils lui firent prêter serment et lui ordonnèrent d'accomplir tout ce qu'ils lui commandaient ; ce qu'il promit.
Sur cela ils commandèrent au gardien de la Fleet de le garder en prison close, et le matin de procurer cinq fagots pour le Dr. Barnes et quatre autres personnes accusées d'hérésie, le cinquième homme devait avoir un cierge du poids de cinq livres préparé pour lui, pour l'offrir à la croix de Northen à l'église St. Paul, et d'avoir ces choses prêtes à huit heures le matin suivant ; et que lui avec tout ce qu'il pourrait faire avec des bills et des glaives et le maréchal du palais avec toutes les baguettes qu'il pourrait faire, devrait les apporter à l'église St. Paul et les conduire de nouveau à la maison. En conséquence, le matin ils étaient tous prêts à l'heure appointée à l'église St. Paul, qui était comble. Le cardinal avait un échafaud sur le haut de 87
l'escalier pour lui-même avec trente-six abbés, prieurs mitrés et évêques, et sur son trône dans toute sa pompe se trouvaient ses chapelains et ses docteurs spirituels en robe de damas et de satin, et lui-même en pourpre. Il y avait aussi une nouvelle chaire érigée sur le haut de l'escalier pour l'évêque de Rochester pour prêcher, contre Luther et Barnes ; et de grands paniers de livres placés devant eux en dedans de la balustrade, que l'on commanda de brûler, après que le feu fut fait devant la croix de Northen et ces hérétiques devaient après le sermon faire trois fois le tour du feu et y jeter leurs fagots.
Pendant le sermon le Dr. Barnes et les hommes furent obligés de s'agenouiller et de demander pardon à Dieu et à l'église catholique et la grâce du cardinal ; après le sermon on lui commanda de déclarer qu'il était traité plus charitablement qu'il ne méritait, ses hérésies étant si horribles et exécrables ; il s'agenouilla de nouveau demandant au peuple de lui pardonner et de prier pour lui. Cette farce étant terminée, le cardinal partit dans son baldaquin, avec ses hommes mitrés avec lui jusqu'à ce qu'il vint à la seconde porte de l'église St. Paul, alors il monta une mule et les hommes mitrés revinrent de nouveau.
Alors les prisonniers ayant reçu ordre de descendre de la plateforme sur laquelle les balayeurs avaient coutume de se tenir quand ils balayaient l'église, les évêques les y placèrent encore et commandèrent au maréchal du palais et au gardien de la Fleet, avec leur compagnie, de les mener autour du feu ; ils furent alors amenés aux évêques et s'agenouillèrent pour l'absolution. L'évêque de Rochester se tenant debout, déclara au peuple combien de jours de pardon et de rémission ils avaient pour avoir été présents à ce sermon, et le Dr. Barnes avec les autres furent reçus de nouveau dans l'église. Ceci fait, ils furent menés de nouveau à la prison devant y rester jusqu'à ce que le bon plaisir du cardinal fut connu.
Le Dr. Barnes y étant resté six mois fut relâché pour devenir un prisonnier sur parole chez les religieux Austin à Londres. Mais y étant veillé on fit de nouvelles plaintes à son sujet au cardinal et pour cela on le transporta chez les religieux Austin de Northampton, pour y être brûlé ; intention dont, toutefois, il était ignorant. Enfin M. Horne qui était son intime ami, ayant eu connaissance du mandat d'arrêt qu'on devait sous peu lancer contre lui, lui conseilla de feindre, d'être dans un état de désespoir et d'écrire une lettre au cardinal et de la laisser sur sa table où il demeurait avec un papier déclarant où il était allé pour se noyer et de laisser ses habits au même endroit ; et une autre lettre devait être laissée au maire de la ville de le chercher dans l'eau, parce qu'il avait une lettre écrite sur du parchemin autour du cou cachetée en cire pour le cardinal qui avertirait toute le monde de se méfier de lui. Ce plan il mit à exécution et ils le cherchèrent pendant sept jours ; mais cependant il était conduit à Londres couvert d'habits de pauvres gens d'où il s'embarqua et alla à Anvers où il trouva Luther.
Le Dr. Barnes devint savant dans la parole de Dieu et fort en Christ et bien estimé de tous les hommes dont l'estime était un honneur, particulièrement Luther, Melanchton, le duc de Saxe, et roi de Danemark ce dernier, dans le temps de More, l'envoya avec les Lubecks comme ambassadeurs au roi Henri huit. Sir Thomas More qui succéda à Wolsey comme chancelier 88
aurait bien voulu l'attraper ; mais le roi ne voulut pas le permettre et Cromwell était son grand ami. Avant de partir, les Lubecks et lui discutèrent avec les évêques d'Angleterre en défense de la vérité et on lui permit de partir sans empêchement. Après avoir été à Wittemberg, chez le duc de Saxe et Luther, il resta là pour faire imprimer ses ouvrages qu'il avait commencés, après quoi il revint de nouveau au commencement de la reine Anne, comme d'autres le firent, et il continua à être un fidèle prédicateur à Londres, étant pendant tout son règne bien vu et promu. Après cela il fut envoyé comme ambassadeur par Henri au duc de Clèves pour l'affaire du mariage de lady Anne de Clèves et du roi. Il donna une grande satisfaction dans toutes les tâches qui lui furent confiées.
Peu de temps après ceci, le Dr. Barnes, avec ses frères furent pris et menés devant le roi à la Cour Hampton. Le roi désirant d'amener un accord entre lui et Gardiner, à la demande de ce dernier lui permit d'aller chez lui avec l'évêque pour s'entretenir avec lui. Mais ne s'accordant pas, Gardiner et ses associés essayèrent d'induire Barnes et ses amis dans un plus grand danger qui peu de temps après fut préparé. A cause de certaines plaintes faites au roi à leur égard on leur commanda de prêcher trois sermons à Pâques à l'hôpital ; à ces sermons, outre les autres rapporteurs qui y furent envoyés, Gardiner était présent, assis avec le maire, l'un ou l'autre pour rendre témoignage de leur rétractation, ou bien, comme les Pharisiens vinrent à Christ, pour les surprendre dans leurs discours, s'ils disaient quelque chose de mal.
Barnes prêcha le premier, et à la conclusion de son sermon pria Gardiner, s'il pensait qu'il avait dit quelque chose de contraire à la vérité, de lever la main en face de tous ceux qui étaient présents, sur quoi Gardiner leva immédiatement le doigt. Malgré cela, ils furent tous les trois, par le moyen des rapporteurs, envoyés à la Cour Hampton, d'où ils furent conduits à la tour où ils restèrent jusqu'à ce qu'ils furent mis à mort.
M. Garret était un curé de Londres. Vers l'année 1526, il vint à Oxford et apporta avec lui des livres en latin, traitant des Écritures et la première traduction du Nouveau Testament en anglais qu'il rendit aux gens de lettres à Oxford. Après en avoir disposé ou reçut la nouvelle de Londres qu'on le cherchait dans toute la ville, comme hérétique et pour avoir vendu des publications hérétiques, comme on les appelait. Il n'était pas inconnu au cardinal Wolsey à l'évêque de Londres et à d'autres que M. Garret avait un grand nombre de ces livres et qu'il était allé à Oxford pour les vendre. C'est pourquoi ils déterminèrent de faire une recherche secrète dans tout Oxford, pour brûler ses livres et lui aussi s'ils le pouvaient. Mais heureusement un des procureurs du collège Magdalen, M. Cole étant une des connaissances de M. Garret l'avertit de la recherche qu'on faisait et lui conseilla de s'éloigner d'Oxford aussi secrètement que possible.
Une cure lui fut procurée par Dalabar, un autre ami et M. Garret s'en alla à Dorsetshire.
Jusqu'où il alla et par quelle occasion il revint bientôt après, n'est pas connu. Mais le samedi suivant il vint à la maison de Radley, où il logeait avant, et après minuit, dans une perquisition secrète qu'on fit pour l'arrêter il fut pris par les deux procureurs et le samedi matin on le livra au Dr. Cottisford, maitre du collège Lincoln qui le retint prisonnier dans sa chambre. Il y eut 89
à ce sujet une grande réjouissance parmi les papistes et surtout de la part du Dr. London gardien du Nouveau Collège et du Dr. Higdon doyen de Frideswide qui envoya immédiatement des lettres avec toute diligence au cardinal pour l'informer de l'arrestation de cet hérétique important pour lequel ils étaient bien assurés de recevoir de grands remerciements. Mais de tout ce soudain brouhaha, Dalabar ne connaissait rien ; il ne savait pas que Garret était de retour, ni son arrêt jusqu'à ce qu'il vint à sa chambre : aussitôt qu'il le vit il lui dit qu'il était fini puisqu'il était pris. Il parla ainsi imprudemment en présence d'un jeune homme. Quand le jeune homme fut parti, Dalabar lui demanda qui il était et comment il le connaissait. Il dit qu'il ne le connaissait pas ; mais qu'il avait été voir un moine de ses connaissances dans ce collège et là-dessus il demanda à son domestique de le conduire à son frère. Il déclara alors comment il était revenu et pris dans la secrète perquisition.
Dalabar lui dit alors : "Hélas ! M. Garret, par votre venue imprudente et en parlant devant ce jeune homme, vous vous êtes découvert et m'avez complètement perdu." Il lui demanda pourquoi il n'allait pas à son frère avec ses lettres. Il lui dit qu'après s'être éloigné pendant un jour et demi, il avait si peur, que son cœur lui suggéra qu'il devait retourner à Oxford ; en conséquence il vint encore le vendredi soir et fut pris. Mais maintenant, avec larmes, il priait Dalabar de l'aider à s'éloigner, et il jeta loin son capuchon et sa robe dans laquelle il vint et demanda un habit à manches disant qu'il lui serait possible de se déguiser, d'aller au Pays de Galles et de là en Allemagne. Dalabar lui mit alors un de ses habits à manches. Il aurait aussi mis une autre espèce de capuchon, mais il ne put en trouver pour lui.
Alors ils s'agenouillèrent tous les deux et élevèrent leurs cœurs à Dieu, le priant de l'aider dans son voyage, afin qu'il s'échappa de ses ennemis, à la gloire de son nom si c'était son bon plaisir. Ils s'embrassèrent alors et purent à peine se dire adieu à cause de leur chagrin ; enfin déguisés dans les habits de son frère, il partit. Mais sa fuite fut bientôt connue, il fut poursuivi et arrêté à un endroit appelé Hinksey, un peu plus loin que Oxford et étant ramené il fut mis en prison ; après cela il fut amené devant le Dr. Loudon et le Dr. Higdon à l'église de Ste.
Marie, trouvé coupable d'être un hérétique et ensuite forcé de porter un fagot dans une procession publique de l'église Ste. Marie à la place d'où il venait : après cela, s'échappa de leur tyrannie, jusqu'à ce qu'il fut de nouveau arrêté avec le Dr. Barnes.
William Jérôme était vicaire de Stepney, et convaincu des erreurs de l'église de Rome et des conséquences qui en résultaient, il prêcha avec beaucoup de zèle les pures et simples doctrines de l'évangile au lieu des traditions des hommes. Il fut bientôt connu des ennemis de la vérité qui le veillaient avec une jalousie maligne. Il ne s'écoula guère de temps avant que, dans un sermon prêché à l'église St. Paul, dans lequel il traita de la justification par la foi, il les offensa ; alors il fut cité devant le roi à Westminster étant accusé d'hérésie.
On l'accusa, d'avoir dit suivant St. Paul dans son épître aux Galates—Que les enfants de Sara—employés allégoriquement pour les enfants de la promesse—étaient tous nés libres ; et qu'indépendamment du baptême et de la pénitence ils étaient, par la foi, faits héritiers de 90
Dieu. Le Dr. Wilson s'opposa fortement à cette doctrine. Mais Jérôme la défendit avec toute la force de la vérité, et dit que quoique les bonnes œuvres étaient le moyen du salut, cependant elles suivaient comme conséquence de la foi dont elles étaient les fruits et qui découvraient leurs racines, comme le bon fruit fait connaître le bon arbre. Mais ses ennemis étaient si acharnés et le roi si trompé que Jérôme fut envoyé à la Tour, de compagnie avec, les deux autres bons soldats de Christ pour souffrir avec eux pour sa foi.
Ici ils restèrent tandis qu'on instruisait contre eux leur procès par le conseil du roi en parlement par lequel, sans avoir été entendu et sans connaissance de leur sort, ils furent convaincus d'hérésie et condamnés aux flammes. Le 30 juin suivant, ils furent amenés de la Tour à Smithfield où on leur permit de parler au peuple. Le Dr. Barnes parla le premier comme suit : - Je suis venu ici pour être brûlé comme hérétique et vous allez entendre ma confession de foi par laquelle vous pourrez voir quelle opinion erronée j'entretiens. Je prends Dieu à témoin que suivant ma connaissance je n'ai jamais enseigné de doctrine erronée, mais seulement celles que l'Écriture m'enseigne ; et dans mes sermons je n'ai jamais encouragé l'insurrection, mais avec toute diligence me suis-je efforcé de montrer la gloire de Dieu, l'obéissance pour notre souverain seigneur le roi et la vraie et sincère religion de Christ ; et maintenant vous allez entendre ma croyance.
"Je crois en la sainte et bénie Trinité, trois personnes en un seul Dieu qui a créé et fait le monde, et que cette bénie Trinité a envoyé la seconde personne, Jésus-Christ, dans le sein de la Vierge Marie pure et souverainement bénie. Je crois qu'il a été conçu par le Saint-Esprit, et reçu d'elle son corps ; qu'il souffrit la faim, la soif, le froid et d'autres passions de notre corps, excepté le péché, suivant ce qu'il est dit, Il fut fait en toute chose comme ses frères, excepté le péché.' Et je crois que sa mort et sa passion sont une rançon pour le péché. Et je crois que par sa mort il vainquit le péché, la mort et l'enfer et qu'il n'y a pas d'autre satisfaction auprès du Père mais seulement par sa mort et sa passion ; et qu'aucune œuvre de l'homme ne mérite rien de Dieu, mais la passion seule de Christ comme nous procurant notre justification, car je sais que la meilleure œuvre que j'aie jamais faite est impure et imparfaite."
Ayant dit cela, il ouvrit ses mains et demanda à Dieu de lui pardonner ses offenses. "C'est pourquoi, je te prie, Ô Seigneur de ne pas entrer en jugement avec moi suivant les paroles du prophète David. C'est pourquoi je ne m'appuie sur aucune bonne œuvre que j'aie jamais faite, mais seulement sur la mort de Christ. Je n'ai aucun doute que par lui je n'hérite du royaume des cieux. Mais n'allez pas vous imaginer que je parle contre les bonnes œuvres, car on doit en faire ; et véritablement ceux qui ne les font pas n'entreront pas dans le royaume de Dieu. Il nous faut les faire parce que Dieu nous le commande pour montrer et faire paraître notre profession non pas pour mériter ou être digne ; car cela ne s'obtient que par la mort de Christ."
Quelqu'un lui demanda alors son opinion sur les prières aux saints. "Maintenant quant aux saints," dit-il, "Je crois qu'ils sont au ciel avec Dieu, et qu'ils sont dignes de tout l'honneur que l'Écriture veut qu'ils aient : mais il ne nous est pas commandé dans l'Écriture de les prier.
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C'est pourquoi je ne puis ni ne veux prêcher que les saints doivent être priés, car alors je vous prêcherais une doctrine de ma propre tête. Quant à savoir s'ils prient pour nous ou non, je m'en rapporte à Dieu. Si les saints prient pour nous, alors j'espère prier pour vous dans l'espace d'une demi-heure. C'est pourquoi, si les morts peuvent prier pour les vivants je prierai certainement pour vous."
Alors dit-il au shérif, "Avez-vous quelques raisons contre moi pour lesquelles je suis condamné ?" Le shérif répondit "Non." Alors, dit Barnes, Y a-t-il ici quelque autre personne qui connaisse pourquoi je meure, ou que, par ma prédication j'aie induit en erreur Qu'elle parle maintenant et je lui répondrai." Mais personne ne répondit. Alors, dit-il, "Je suis condamné par la loi à mourir, et, comme je le comprends par un acte du parlement ; mais pourquoi je ne saurais dire ; peut-être est-ce pour hérésie car nous sommes probablement condamnés à souffrir pour cette accusation quoique cruelle. Mais quant à ceux qui en ont été l'occasion, je prie Dieu de leur pardonner comme je voudrais être pardonné moi-même. Et le Dr. Stephen, évêque de Winchester, s'il a cherché ou préparé ma mort, soit par paroles ou action, je prie Dieu de le lui pardonner, aussi cordialement, aussi librement, aussi charitablement et aussi sincèrement que Christ à pardonné à ceux qui l'ont mis à mort. Je vous prie tous de prier pour la prospérité du roi comme je l'ai fait depuis que je suis en prison et je le fais maintenant afin que Dieu puisse lui donner prospérité et qu'il puisse régner longtemps parmi vous ; et après lui que le pieux prince Édouard paisse finir les choses que son père a commencées.
Après cet admirable discours, le Dr. Barnes, demanda que s'il avait offensé quelqu'un ou donné scandale, qu'on lui pardonnât et se corrigeât du mal qu'ils avaient reçu de lui et lui rendre témoignage qu'il détestait et abhorrait toute mauvaise opinion et doctrine contre la parole de Dieu, et qu'il mourait dans la foi en Jésus-Christ par lequel il ne doutait pas qu'il fût sauvé. Après ces paroles il leur demanda à tous de prier pour lui ; il ôta alors ses habits et se prépara à la mort.
Jérôme leur parla comme suit : Je vous dis, mes bons frères que Christ nous a achetés non pas à vil prix, ni avec de l'or et de l'argent, ou autre chose de peu de valeur, mais aven son sang le plus précieux. Ne soyez donc pas ingrats envers lui ; mais accomplissez ses commandements - c'est-à-dire, aimez vos frères. L'amour ne nuit à personne ; l'amour accomplit tout. Si Dieu t'a envoyé l'abondance, aide ton prochain qui est dans le besoin.
Donne-lui de bon conseil. S'il est dans la nécessité considérez que si vous étiez dans la nécessité que vous seriez contents d'être aidés. Et de plus, portez votre croix avec Christ.
Considérez quel reproche, calomnie et blâme il a souffert, et comme il a enduré patiemment.
Considérez que tout ce que Christ a fait était le produit de sa pure bonté et non pas pour nos mérites. Si nous pouvions mériter notre propre salut, Christ ne serait pas mort pour nous. Que les chrétiens donc ne mettent pas leur confiance en leurs œuvres mis dans le sang de Christ seul, auquel je remets mon âme vous suppliant tous de prier Dieu pour moi et pour mes frères ici présents avec moi pour que nos âmes, laissant ces misérables corps, s'en aillent dans la vraie foi en Christ."
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Après avoir conclu, Garret parla ainsi : "Moi, aussi, je déteste toutes les erreurs et les hérésies, et si j'en ai enseigné quelques-unes, j'en suis chagrin et en demande à Dieu le pardon.
Ou si j'ai été imprudent dans la prédication et que quelqu'un en ait été offensé ou reçu une mauvaise opinion, je lui en demande pardon. Toutefois, d'après ma mémoire, je n'ai jamais prêché quelque chose contre la sainte Parole de Dieu ou de contraire à la vraie foi ; mais j'ai toujours essayé, avec le peu de connaissance et de sagesse que j'ai de rehausser la gloire de Dieu, la vraie obéissance à ses lois et aussi celle du, roi. Si j'avais pu mieux faire, je l'aurais fait. C'est pourquoi, Seigneur, si j'ai entrepris de faire quelque chose que je ne pouvais pas bien accomplir, je demande ton pardon pour mon hardie présomption. Et je prie Dieu de donner au roi de sages conseil à son honneur et au surcroît de vertu dans ce royaume. Et ainsi je remets mon âme au Tout-Puissant me confiant et croyant que lui, dans sa miséricorde infinie suivant sa promesse faite par le sang de son fils, Jésus-Christ, la prendra et pardonnera tous mes péchés, dont je lui demande pardon et je désire que vous priez tous avec et pour moi, que je puisse endurer patiemment cette souffrance et mourir dans la vraie foi, l'espérance et la charité."
Les trois martyres se prirent alors par la main et après s'être embrassés se remirent à leurs exécuteurs, qui, les attachant au bûcher, allumèrent les fagots et terminèrent leur vie mortelle et leurs soucis.
Martyr de Patrick Hamilton.