Histoire de l’Erudit by Mohammad Amin Sheikho - HTML preview

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Chapitre 2

Le Grand Saint

Il était une fois, il y a plus d’une centaine d’années, un peuple qui vivait dans le bonheur et la simplicité. Leurs maisons, bâties à la façon des Arabes, étaient faites d’argile, disposaient de larges cours, et avaient des pièces éclairées la nuit à la lampe à huile, puisque à cette époque l’électricité n’existait pas.

Des jardins et des arbres entouraient les maisons et leurs cours étaient parées de magnifiques parterres. Les roses et les plantes étaient vivement arrosées par de splendides cours d’eau qui égayaient les esprits et charmaient les yeux. Ils étaient alimentés par le courant fort et frais des principaux fleuves.

Tout allait à merveille: les pluies étaient abondantes, et la terre produisait généreusement. L'on se couchait tôt et se réveillait au petit matin pour prier ; il n’y avait ni bruit de véhicules ni fumée des usines, encore moins des accidents de la circulation ou des catastrophes. La tranquillité et la paix régnaient, les gens s’aimaient l’un l’autre et étaient unis l’un à l’autre. C’est à ce moment que notre histoire commence. Ismaël, le hadji, allait et revenait le long du couloir, attendant avec impatience la venue de son enfant nouveau-né.

C’était un remarquable commerçant religieux, d’une grande vertu morale et d’une conduite louable. Il était vraiment noble, généreux et brave. Quelques heures plus tard, Um Sâlim, sa femme, accoucha sans difficulté.

C’est un garçon!

Un nouveau-né venait au monde. L'éclat de Son apparence surpassait celui de la pleine lune et sa beauté était sans pareil. Lorsque la bonne nouvelle lui parvint, Ismaël, le hadji, devint extrêmement heureux.

« Allah vient de te donner un enfant mâle…Il est aussi beau que la lune…Alors, quel nom lui donneras-tu?! »

Il dit:

« Dieu soit loué…Dieu soit loué, que toute la gloire lui revienne. Son nom sera ‘M. Amin’ S’il plaît à Dieu. »

Le jeune M. Amin grandit aux côtés de sa mère, rassuré de l’amour de son père. Sa vie était faite d’admiration, de bien-être et de cadeaux. Son père l’aimait tellement que, chaque matin, avant de quitter la maison pour le travail, il remettait toujours une majeedi (l’équivalent d’une demi livre d’or) à la mère de l’enfant, en disant: « Um Sâlim, prends cette majeedi comme argent de poche de notre fils aujourd’hui. Donne-la-lui quand il sortira pour jouer dans le quartier. »

Elle prenait la pièce et la gardait. Lorsqu’arrivait l’heure de sortie du petit héros, ce dernier venait vers sa mère et tendait la main, sans mot dire; alors, elle sortait la majeedi, la mettait dans sa tendre petite main. Ensuite, elle se courbait et l’embrassait, lui recommandant de prendre soin de lui-même, de peur qu’il se fît mal ou se blessât.

Après qu’il avait reçu son argent de poche, il le gaspillait sur ses petits amis, lesquels l'accueillaient chaleureusement Pas étonnant, car il était leur gentil patron et un dirigeant intelligent et génial.

Quand monsieur M. Amin regardait ses pauvres amis, un sentiment de compassion se dégageait toujours de son cœur à leur endroit. Aussi avait-il l’habitude de recueillir leurs doléances et besoins, et d'y répondre à leur place. A d’autres, il donnait également de petites pièces, au point où la plupart de ses dépenses journalières étaient effectuées sur ses compagnons et amis.

Quel excellent compagnon, généreux et compatissant!

Il ne retournait pas à la maison tant que sa poche n’était pas vidée, ayant en grande partie ou entièrement dépensé son argent sur ses amis. Ce gentil et innocent patron avait gardé ces habitudes jusqu’à l’âge de sept ans.

Un jour, Ismaël, le hadji, revint du travail pour la maison plus tôt qu'à l'accoutumée. Il gémissait de douleur sous le poids de la maladie.

Lorsque son fils arriva, il l’appela. Alors le jeune garçon se présenta devant lui: « Oui, père, que m’ordonnes-tu de faire? »

Ismaël, le hadji, dit: « Mon cher fils! Viens ici… »

Puis, les yeux inondés de larmes, il jeta sur lui un regard plein d’amour, de pitié et de compassion. Il serra son fils bien-aimé contre sa poitrine et invoqua son créateur, d'une voix remplie d’espoir et de supplication, en disant: « Ô, mon Dieu! En ce qui concerne mon jeune fils Sâlim, je l’ai moi-même élevé. Qu’il te plaise de t’occuper de cet enfant (Mohammad Amin), parce je suis incapable de le faire. »

Ismaël, le hadji, avait senti sa mort prochaine, et peu de temps après, il quitta ce monde pour être recueilli auprès de son créateur…Il mourut!

Il partit de ce monde, laissant derrière lui, seuls dans la maison, le petit orphelin et sa mère. Son fils aîné Sâlim, avait voyagé après sa formation à l’École Militaire Royale. La mère était extrêmement triste du fait de la séparation d’avec l’homme de la maison.

Elle s’assit seule avec son petit orphelin, le contemplant avec des yeux tristes et larmoyants. Le reflet de sa tristesse apparut dans les beaux petits yeux verts de son fils, de sorte qu’elle pensa que lui aussi était triste. Il lui était douloureux de le voir dans cet état, quoiqu’ en fait, il ne fût pas triste à proprement parler, car il ne comprenait pas encore la portée d'une telle calamité à cause de son jeune âge.

Néanmoins, elle pensait qu’il souffrait de ce tragique départ, tout comme elle.

C'est pourquoi cette tendre mère essayait de trouver dans sa mémoire une histoire ou un conte de nature à réconforter son fils bien-aimé, et de libérer ce dernier de la tristesse qui semblait l'envahir.

Elle était cependant, seule à vouloir porter la tristesse provoquée par l’absence du défunt.

Elle fouilla intensément dans sa mémoire au point d'en trouver deux événements qui, du vivant de son mari, avaient rendu le défunt particulièrement heureux. Elle coucha l’enfant puis, s’assit à son chevet, et se mit à lui conter la première histoire. Elle disait: «Mon cher fils, délice de mes yeux! Il y’a de cela sept ans, alors que je te portais encore dans mon sein; au cours des derniers mois, je me rendis au marché à la recherche d'une chose dont j'avais besoin… », et elle continua ainsi à raconter son histoire d’un ton empreint à la fois de joie et de tristesse.

En effet, lorsqu’elle arpentait le marché à la recherche de certains articles, un homme nommé Ibn-Abdin passa près d’elle. C’était un homme préoccupé par la quête perpétuelle d’Allah. Il écoutait plus son cœur que sa tête.

En ce temps là, Ibn-Abdin était un homme d'une grande renommée à Damas, et bien connu de tous les citoyens.

Il s’approcha d’elle et, au moment de la devancer, celui-ci leva sa main, tapota le dos de cette femme enceinte de sa paume de main, et dit: « Tu portes en ton sein un très…, très…, grand saint! »[11]

Sur ces entrefaites, il s’en retourna rapidement au marché et regagna l’endroit où il venait. Cependant, l’écho de sa voix répétait encore ces paroles:

« très…, grand, très…, grand! » La mère continua en disant: « Mon fils! Tout le monde sait que tout ce que cet homme, Ibn-Abdin, dit, finit par se réaliser, car les anges eux-mêmes, à travers lui, parlent et toutes ses actions sont bénies.

En effet, j’étais très heureuse à l’écoute d’une telle prédiction à ton sujet, selon laquelle tu deviendras un très grand saint. Rapidement la nouvelle se répandit parmi les femmes du voisinage. Elles se la transmirent l’une à l’autre et vinrent me féliciter. C’est ainsi que le cœur de ton père (Paix à son âme) fut rempli de joie, car il savait que tu seras plein de bonté ».

Le jeune Amin, couché dans son lit, écoutait silencieusement, attentivement et, regardait de ses yeux candides sa tendre mère, émerveillé par ses paroles douces, tendres et belles.

« Mon fils, ne te souviens-tu pas de ce jour, il y a trois ans, où tu as quitté la chambre de ton père?! »

La mère continua son histoire, relatant ainsi le second événement dont elle s’était souvenue.

A travers cet événement, les souhaits et désirs de notre petit héros (qui vont bien au-delà de ceux des enfants de son âge) s'étaient clairement révélés, car à quatre ans, il le vit sortir de la chambre de son père, ayant autour de la tête un morceau d'étoffe blanche à la manière du turban des religieux.

Il aspirait à devenir un guide du peuple vers Allah!!

Cependant, chose encore plus étrange, il prit également un béret militaire appartenant à son frère Sâlim, alors étudiant à l’Ecole Militaire Royale, qu’il posa sur le turban blanc.

C’était un chapeau d’officier!

Il se croyait à cheval sur un bâton qu'il tenait entre les jambes. Il voulait devenir officier!

Lorsque ceux qui le regardaient le virent dans cette étrange posture, ils furent saisis de stupéfaction. Et à son défunt père de dire: « Mon fils! Notre trésor! Comment veux-tu assortir deux choses qui ne peuvent aller ensemble!

Tu peux être soit un guide [12], menant les hommes à Allah, soit un officier, mais pas les deux à la foi, car ces deux fonctions ne peuvent en aucun cas aller ensemble!»

Les yeux de l’enfant reluisaient de confiance et débordaient d’espoir, comme s’il était témoin de l’avenir radieux qui l’attendait. Il soliloqua: « Oui! Je serai à la fois un guide, menant les hommes à Allah, et un officier dans les forces de sécurité, maintenant l’ordre et la justice pour le peuple, garantissant leurs droits, et éradiquant l’injustice et le mal. Je ferais suivre ma parole par des actes! »

Les personnes présentes considéraient cette scène comme quelque chose de très improbable, qui ne pourrait jamais se réaliser. Cependant, le temps donna raison à cette prédiction inconsciente et imperceptible de l'avenir, car lorsqu’il devint grand, il devint un officier, un grand guide et un érudit très respectable.

C'était un très très grand saint…

En vérité, il avait prouvé qu’il était vraiment obéissant à Allah, car il posait des actes justes et équitables parmi les hommes, et mit fin à la criminalité et à la méchanceté.

Assise à son chevet, sa mère continua, d'un ton affectueux, d'expliquer les choses à son fils, dans un effort désespéré de le sortir de sa tristesse. Pendant ce temps, des souvenirs lui défilaient sans cesse sous les yeux, augmentant ainsi son chagrin, jusqu’au moment où son fils, sous le coup de la fatigue, succomba au sommeil. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle fut apaisée à son sujet. Elle se leva alors pour ajuster la lanterne de façon à diminuer la lueur, afin que se dégage d’elle une lumière faible et apaisante. Entre temps, le jeune prince continuait de dormir paisiblement et tranquillement.